Les médecins généralistes le savent bien : tout patient doit être considéré dans sa globalité. Les troubles sexuels de l’homme en sont une parfaite illustration. Le regard croisé de trois spécialistes, cardiologue, endocrinologue, urologue, montre l’intrication des étiologies de la dysfonction érectile (DE) en particulier.
La panne sexuelle : le coeur à la peine
La DE est une plainte fréquente chez les patients qui consultent en cardiologie. Plus le patient a des facteurs de risque cardio-vasculaires (CV), plus la probabilité qu’il ait une plainte de type DE est élevée (1). « Aussi, questionner le patient sur sa plainte sexuelle est désormais entré dans ma pratique. De plus, parler de dysfonction érectile est devenu, depuis l’arrivée des médicaments spécifiques, beaucoup plus simple », affirme le Pr Xavier Girerd (hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris).
Preuves à l’appui, le Pr Girerd a insisté sur des idées préconçues : « La fréquence de la DE n’est pas liée au niveau de pression artérielle systolique (2). Fréquemment, la connaissance d’un effet défavorable d’un médicament cardio-vasculaire sur la sexualité a une influence sur l’incidence de la DE (effet nocebo) (3). Le plus souvent, la DE existait avant la mise sous traitement (4). Le traitement peut alors devenir un prétexte pour aborder le problème de DE. » À noter que les diurétiques et, dans une moindre mesure, les bêtabloquants augmentent le risque de DE d’origine iatrogénique (4, 5).
Face à un patient hypertendu présentant une DE, il faut systématiquement rechercher une dépression (2). « Car la DE est un symptôme fréquent de la dépression chez l’homme. »
La DE est une conséquence de la dysfonction endothéliale, fréquente chez les patients ayant une maladie cardiologique. De nombreux travaux ont montré que la dysfonction érectile est un marqueur du risque de survenue d’une complication cardiologique. Cela a bien été démontré pour les cardiopathies ischémiques (6).
Il y a dix ans, tout trouble de l’érection était considéré comme un symptôme sentinelle de pathologie coronarienne qui devait conduire à un bilan cardiologique. « Aujourd’hui, je n’en fais plus un signe d’alerte de la maladie coronaire menaçante, explique X. Girerd. En revanche, un patient qui a une DE, je vais avoir une démarche cardiologique de prévention et compter ses facteurs de risque pour évaluer son risque de coronaropathie. »
L’érection, victime du syndrome X
Les patients diabétiques de types 1 et 2 se plaignent d’une mauvaise santé sexuelle. Plus l’ancienneté de la maladie est importante, plus l’insatisfaction l’est aussi. « L’incidence de la DE dans la population des patients diabétiques est élevée et augmente avec l’âge, la durée du diabète et le mauvais contrôle glycémique, explique le Pr Serge Halimi (endocrinologue, Grenoble). Il existe une grande disparité entre les patients dont la maladie diabétique est contrôlée versus ceux dont la maladie n’est pas contrôlée. L’hyperglycémie prolongée altère la fonction sexuelle. » (7) De plus, le diabétique cumule très fréquemment d’autres facteurs de risque cardio-vasculaires (HTA, pathologie cardiaque) qui multiplient par quatre le risque de DE (8). « La DE est classée par les patients au 3e rang des complications les plus importantes du diabète. Elle est responsable d’une nette dégradation de leur qualité de vie », affirme le diabétologue (9).
Comparée à celle qui touche les autres hommes, chez les diabétiques, la DE concerne des hommes plus jeunes, y compris des diabétiques de type 1, est plus sévère, altère davantage la qualité de vie et devient plus difficile à traiter.
Le syndrome X ou syndrome métabolique multiplie par deux la prévalence de la DE : 40 % des DE concernent des hommes avec syndrome X (10-12).
« Les traitements de la DE ne sont pas suffisamment adaptés, ni mis en route assez tôt, souligne S. Halimi. Tous les IPDE-5 (à la demande ou en prise quotidienne) sont efficaces à restaurer une fonction érectile et, au-delà, une sexualité satisfaisante chez le diabétique. Mais leur efficacité est moindre que pour les patients présentant une DE, mais sans comorbidités. » En cas d’échec aux IPDE-5, penser à un possible hypogonadisme (13).
Troubles sexuels : quand la prostate s’en mêle
« L’activité sexuelle après 50 ans, ce n’est pas théorique, c’est une réalité : 83 % des hommes de plus de 50 ans déclarent avoir une activité sexuelle (MSAM-7) (14), 26 % âgés de 75 à 85 ans ont une activité sexuelle dont la moitié déclare deux à trois rapports sexuels par mois et 23 % un rapport sexuel par semaine (15) », indique le Pr François Desgrandchamps (hôpital Saint-Louis, Paris). Les maladies prostatiques dont l’adénome de la prostate sont de grandes pourvoyeuses de DE. Les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore clairement identifiés. « Il existe des relations épidémiologiques étroites entre adénome prostatique et DE (14). Ce sont très souvent les mêmes malades », explique le spécialiste. C’est pourquoi il faut interroger systématiquement les patients souffrant de DE sur l’existence de symptômes urinaires et ceux ayant des symptômes urinaires sur l’existence de troubles sexuels. Car les symptômes urinaires sévères impactent la vigueur et la qualité de la vie sexuelle (14).
« Les urologues peuvent être des vecteurs de iatrogénie sexuelle en traitant l’hypertrophie bénigne de la prostate » : certains de ces traitements médicaux peuvent être pourvoyeurs d’anéjaculations, d’une baisse de la libido et parfois de DE, la phytothérapie ayant peu d’interactions avec la sexualité (16). Les IPDE-5 peuvent être prescrits en première intention dans le traitement de la DE en l’absence de contre-indications bien définies (accidents cardio-vasculaires récents, dérivés nitrés…) et après avoir vérifié la testostéronémie (dosage à jeun, à 10 h du matin). Il faudra s’attacher à expliquer au patient le mode d’administration de ces médicaments et leurs effets secondaires éventuels. Les IPDE-5 se différencient entre eux essentiellement par leur durée d’action. Les patients sont plus réticents aux autres options thérapeutiques qui sont pourtant utiles dans certaines situations bien précises : l’injection de prostaglandines dans les corps caverneux, le vacuum, les implants péniens.
Force est de constater, à l’issue de ces communications, que la fonction sexuelle est un indicateur de bonne ou mauvaise santé de l’homme après 50 ans : l’interrogatoire du patient sur ce sujet est donc indispensable dans la prise en charge globale du patient, que l’on soit médecin généraliste ou spécialiste.
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