Choses vues et lues
Quand il n’est pas d’origine organique, le vaginisme est l’une des phobies sexuelles qui suscite le plus de consultations sexologiques. Mais malgré sa prévalence importante, il reste ignoré des écrivains comme des cinéastes, sous la chape de silence qui atteste du tabou persistant qui l’entoure.
Delphine de Malherbe est l’une des très rares romancières à s’être aventurée sur le sujet. Dans « La femme interdite » (éditions Jean-Claude Lattès), elle raconte le calvaire enduré par une jeune femme dont l’histoire d’amour est brisée par le vaginisme. Son corps se crispe et se ferme dès qu’approche l’homme dont elle partage la vie. Impossible d’aimer lorsque le corps est impénétrable.
Et le roman raconte l’angoissant nomadisme médical de l’héroïne en quête d’un spécialiste qui parvienne à ouvrir son sexe, « aussi infranchissable que la muraille de Chine », selon la formule du psychanalyste Jacques Lacan.
Paroles de cliniciennes
« Lorsque le gynécologue a vérifié l’absence de malformation ou d’infection vaginale, l’hyper-contraction réflexe de la musculature du tiers extérieur du vagin relève d’une symptomatologie phobique, confirme Joëlle Mignot, psychologue clinicienne spécialisée en sexologie, directrice du DIU de sexologie de Paris XIII — Bobigny. Qu’il soit superficiel, avec une contraction des muscles bulbocaverneux et périvaginaux qui rendent toute pénétration impossible, y compris celle d’un tampon hygiénique, ou qu’il soit profond, avec une contraction du releveur de l’anus, qui ne permet la pénétration que sur un centimètre, le vaginisme est alors la phobie de la pénétration. La patiente décrit une sensation d’échauffement, de brûlure, d’irritation, ou une impression de lésion à l’entrée de son vagin dès qu’il y a tentative d’effraction, alors même qu’elle éprouve un vif désir à l’égard de son partenaire. »
« Les vaginiques peuvent connaître l’orgasme et la jouissance, constate la psychologue sexologue Michelle Boiron, en faisant l’impasse à la pénétration, en vivant une sexualité de petites filles. Souvent d’ailleurs, elles viennent consulter avec leurs mères, qui ont pris rendez-vous pour elles et qui paient à leur place. Il peut y avoir quelque chose d’incestueux dans leur histoire. Françoise Dolto s’y était arrêtée en analysant finement cette phobie du corps verrouillé, en lien avec un trouble de la séparation entre la mère et la fille, une crainte fusionnelle, une angoisse de départ, ou une peur coïtale de petite fille. »
« On le vérifie aisément lorsqu’on demande à la patiente de dessiner son sexe, ajoute la sexologue Muriel Baccigalupo, elles dessinent des sexes de petite fille très mal explorés, sans identifier le clitoris. » Un antécédent psycho-traumatique, un inceste, un abus doit alors être recherché.
Mais le spécialiste doit aussi examiner le partenaire. « Celui-ci n’est pas par hasard en relation avec une vaginique et je rencontre assez souvent avec les phobiques du pénis des phobiques du vagin, poursuit Michelle Boiron. Ils vont alors pratiquer la sodomie, la patiente s’y pliant de peur de perdre leur relation. Ou alors ils éjaculeront sans aucune forme de pénétration, par simple contact. Quelque part, entre ces deux-là, tout le monde s’en satisfera. »
Mais c’est le désir d’enfant qui va finir par déclencher, à la longue, la demande de consultation. « Et ces prises en charge sont très gratifiantes pour le spécialiste, confie Muriel Baccigalupo, car elles aboutissent généralement à la guérison. Plusieurs options thérapeutiques sont possibles. On peut passer par le corps pour prouver au cerveau que la pénétration n’est pas douloureuse, avec le kit velvi, qui permet une dilatation vaginale progressive et indolore ; le plus souvent, des sexothérapies aboutissent dans un délai de six à douze mois, à raison de deux séances mensuelles. Quelques cas peuvent être plus compliqués, avec des tableaux psychotiques : la patiente croit que ses deux grandes lèvres sont collées et elle craint de les déchirer. Ou alors, elle explique que ses poils pubiens sont des fils barbelés qui la protègent. La simple description anatomique du sexe peut provoquer une syncope. »
« Dans ces cas extrêmes, la phobie constitue un mécanisme de défense tellement bien organisé pour protéger la patiente qu’il peut être préférable de le garder », note le Dr Serge Hefez, psychiatre.
« Régulièrement, témoigne Michelle Boiron, la patiente murmure au début des séances « J’espère que ça ne va pas marcher. » Mais, finalement, ça marche. Et alors je les voie qui se mettent à chercher la douleur de pénétration qui a disparu, à la manière de l’amputé qui teste la douleur de son membre fantôme. »
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Illustrations tirées de « Sex Story », la première histoire de la sexualité en bande dessinée, aussi sérieuse que facétieuse, racontée par le Dr Philippe Brenot, responsable des enseignements de sexologie à Paris-Descartes, et illustrée par Laetitia Coryn (208 p., 24,90 €).
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