Choses vues et lues
Les phobies sexuelles sont souvent post-traumatiques, expliquent les sexologues. L’événement qui a déclenché le processus phobique remonte parfois à l’enfance. C’est le cas avec Gabriel, un jeune père de famille sans problème apparent, joué par Robinson Stévenin dans un film d’Edwin Baily, « Le Silence des Églises », prix du public au Festival de Luchon en 2013, rediffusé en raison de l’actualité au printemps dernier.
Lorsqu'il entend à la radio une chorale d’enfants, un flash-back survient, Gabriel se retrouve brutalement confronté au souvenir qu’il avait enfoui au plus profond de sa mémoire, quand il avait été abusé sexuellement par un prêtre, interprété par Robin Renucci. D’abord décidé à se venger violemment, il va suivre un douloureux cheminement pour finalement porter plainte et témoigner devant les juges.
C’est le cas dans la vraie vie du Dr Bertrand Virieux, victime du Père Preynat, qui s’est résolu, après des années, à témoigner devant les médias et la police, avec d’autres victimes.
« Les enfants abusés devenus adultes éprouvent des troubles phobiques, confie-t-il. Ils peuvent altérer la relation dès un simple contact physique : une main tout juste posée sur l’épaule va raviver la mémoire traumatique et devenir insupportable. Les étreintes aussi réveillent des séquences intolérables. C’est toute la relation de confiance dans la vie de couple qui se trouve entamée et qui devient problématique. Le parcours de vie adulte peut longtemps paraître rectiligne et tout-à-coup, longtemps après, à l’occasion d’un événement inopiné, les phobies vont survenir, et aussi les états dépressifs, de manière récurrente. »
Paroles de cliniciens
« Les symptômes phobiques liés au vécu post-traumatique de l’enfance sont difficiles à repérer, assimilés à tort à des troubles de la personnalité, observe Dominique Murillo, psychologue clinicienne dans un CHU du Rhône, référente de l’association La Parole libérée, qui regroupe des victimes du Père Preynat.
« Dans les cas de vaginisme, signale Muriel Baccigalupo, sexologue psychothérapeute, j’ai retrouvé à l’occasion un syndrome de femme-enfant, incapable de vivre la pénétration à la suite d’un abus familial qui l’a empêché d’accéder à la maturité sexuelle. »
« Des traumatismes subis à l’école, autour d’une particularité physique, la maigreur ou la grosseur, sur un mode de simple boutade, mais aussi avec des brimades physiques, peuvent être à l’origine de phobies du déshabillage (gymnophobies), remarque Nathalie Grafeille.
« J’ai repéré des patientes qui, après avoir été abusées par des hommes pendant l’enfance, se sont orientées vers l’homosexualité, principalement parce qu’elles éprouvaient une peur phobique des hommes et alors qu’elles étaient hétérosexuelles », indique Dominique Murillo.
« Le pire serait dans tous ces cas de passer à côté de l’histoire de ces violences sexuelles subies par les enfants, souligne le Dr Catherine Bonnet, pédopsychiatre. On l’a fait si longtemps en pratiquant la « silenciothérapie » et en s’appuyant sur les théories freudiennes sur l’enfant pervers polymorphe. En ne dévoilant pas ces événements, on maintient l’enfant devenu adulte dans une phobie d’évitement de tout ce qui a trait à la sphère sexuelle. Quand l’agression a été commise avec brutalité, des syndromes de sidération vont persister des années durant ; et quand l’abus a été perpétré sur un mode doucereux, avec des gestes érotisants pour gagner la confiance de la victime, les phobies vont se conjuguer à l’âge adulte avec des sentiments de honte et de culpabilité et, dans certains cas, des identifications à l’agresseur avec des comportements mimétiques. Tous ces tableaux s’observent si la prise en charge n’a pas dévoilé l’événement traumatique de l’enfance englué dans la mémoire adulte. »
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Illustrations tirées de « Sex Story », la première histoire de la sexualité en bande dessinée, aussi sérieuse que facétieuse, racontée par le Dr Philippe Brenot, responsable des enseignements de sexologie à Paris-Descartes, et illustrée par Laetitia Coryn (208 p., 24,90 €).
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