Choses vues et lues
Fellation et cunnilingus, les deux pratiques les plus usuelles du sexe oral sont-elles réellement aussi répandues et décontractées que veut bien le dire la rumeur, que l’écrit la littérature, ou que le filme le cinéma spécialisé ?
La fellation, la pipe, le pompier, la turlute, la gâterie ont inspiré bien des auteurs, à tel point que les célèbres Éditions blanches ont publié une Anthologie littéraire de la fellation, collationnant sous les plumes de Guillaume Apollinaire, Henry Miller, les Rita Mitsouko, François Rey ou Régine Deforges, des textes qui font monter la température du lecteur sur la « caresse éternelle », « la plus savoureuse des caresses », étonnante, excitante, envoûtante.
Pourtant, les forums d’ados et d’adultes sur Internet regorgent de confidences mises en ligne au sujet du dégoût suscité autant par le cunnilingus que par la fellation – et on ne parlera pas de l’anulingus, des relations qualifiées d’humiliantes, animales, avilissantes, à la différence de la pénétration.
« Je ne suis pas une putain », protestent les unes, « je trouve qu’il y a une espèce de tyrannie du cunni, récriminent les autres, alors que si je faisais le même reproche à une femme qui ne me fait pas de fellation, je passerais pour un salaud, comme si la pipe était un luxe et le cunni une obligation. »
Certaines pipes sont sorties du champ de la relation intime et ont connu un retentissement planétaire, quasiment historique, avec, en 1998, la relation bucco-génitale de Bill Clinton et Monica Lewinsky ; le président américain avait alors contesté solennellement la qualification de relation sexuelle, avant de reconnaître « une relation intime inappropriée », intime et non sexuelle, car, selon lui, « la définition légale du sexe oral est uniquement un rapport sexuel oral mutuel ».
Le débat juridico-sexologique continue tandis que, selon l’enquête Contexte de la sexualité en France (INED), deux femmes sur trois pratiquent régulièrement la fellation, beaucoup d’entre elles s’y pliant contre leur gré, tous les hommes, même quand ils s’avouent mal à l’aise, plébiscitant cette pratique.
Paroles de cliniciens
« C’est un sujet très culturel, observe Antoine Spath, psychothérapeute et sexologue : dans les pays du Maghreb, les femmes apprécient le sexe oral qui leur procure le sentiment de mieux maîtriser la relation que la pénétration, qu’elles vivent comme une relation de domination masculine. De surcroît, les jeunes filles préservent ainsi leur hymen, ce qui n’est pas du tout anodin pour leur avenir. »
Mais, « en dépit de la banalisation des images sur Internet et de l’avènement de la pornographie qui en fait aujourd’hui partie intégrante des pratiques sexuelles dites normales, le sexe oral continue de susciter des phobies, constate le Dr Catherine Solano, sexologue et andrologue, consultante à l’hôpital Cochin : tout en étant perçu comme une pratique transgressive et libératrice, le sexe oral, à la différence de la pénétration, fait appel au sens de l’odorat et cela peut provoquer une réaction de dégoût qui parfois entraîne un spasme et un vomissement. Alors, quand je repère un processus phobique à cet égard, je me garde d’être dans une attitude thérapeutique. Il n’est pas en effet question de « guérir » un blocage, une résistance, un refus. Car l’épanouissement de la relation ne requiert nullement le passage par le cunnilingus ou la fellation. Le sexe oral peut être découvert avec des caresses et des baisers, mais il ne doit jamais être contraint comme une prestation nécessaire. Sinon, il devient acte de violence. Or, c’est parfaitement le droit de l’homme comme de la femme de choisir de s’en passer. Et le sexothérapeute n’a pas à y interférer. »
« La sexualité est une libre expression de notre désir, insiste la psychanalyste et psychothérapeute Catherine Blanc. Si l’on n’est pas à l’aise avec le sexe oral, il n’y a aucune raison médicale d’y être initié. »
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Illustrations tirées de « Sex Story », la première histoire de la sexualité en bande dessinée, aussi sérieuse que facétieuse, racontée par le Dr Philippe Brenot, responsable des enseignements de sexologie à Paris-Descartes, et illustrée par Laetitia Coryn (208 p., 24,90 €).
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