Choses vues et lues
L’homme idéal est fort, infatigable, hardi. Des qualités qui doivent marquer sa sexualité. Sauf quand surviennent des fragilités, avec leur cortège de peurs, d’angoisses, de phobies.
Ce processus invasif et ravageur est au cœur d’un roman de Romain Gary, « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable » (Folio, Gallimard). C’est l’histoire d’un homme d’affaires d’une soixantaine d’années, à la réussite et au statut enviable, qui séduit une jeune Brésilienne. L’amour fou qu’ils vivent tout d’abord va être insidieusement miné par la crainte grandissante du sexagénaire : ne pas être à la hauteur des attentes de sa partenaire.
Pour dire les choses plus directement, c’est la survenue de son impuissance sexuelle qui taraude le héros vacillant. Le lecteur rentre dans ce sexodrame en pressentant sa funeste issue. Cinq ans après la publication du roman, son auteur se donne la mort. On entrevoit que Gary avait franchi cette limite sexuelle au-delà de laquelle il a estimé que son ticket n’était plus valable.
Paroles de clinicienne
« En consultation, raconte le Dr Catherine Solano, sexologue andrologue, consultante à l’hôpital Cochin, je reçois beaucoup d’hommes qui souffrent de la peur de ne pas donner suffisamment de plaisir à leur partenaire et de ne pas être à la hauteur de ses désirs : la première cause d’angoisse, c’est la panne d’érection, d’autant plus redoutée qu’elle survient dans un contexte passionnel ; l’éjaculation précoce peut créer aussi une phobie, avec un cercle vicieux de la peur et de l’évitement ; les dysmorphophobies, en particulier pour les petits pénis, secrètent les complexes dits de vestiaires, avec les ravages de la comparaison. Devant les 23 cm de Rocco Siffredi, quel homme peut vraiment y échapper ?
Les prises en charge sont adaptées : « Pour les dysfonctions érectiles, le Viagra fait des merveilles ; pour l’éjaculation précoce, le traitement passe par l’acceptation, dans un premier temps, avec l’accord de la partenaire, de rapports très rapides qui, à force de répétition, vont gagner peu à peu en durée. C’est tout un apprentissage de l’excitation, en brisant la spirale phobie-évitement. Avec les dysmorphophobiques, je travaille sur l’image de soi en cassant le réflexe des comparaisons et en expliquant que la taille du pénis a très peu d’importance dans la relation amoureuse, les femmes pouvant être mises à contribution en exprimant leur affection pour le pénis de leur partenaire. »
Quant au syndrome phobique de l’impuissance, tel que le décrit Romain Gary, « toute la question de la limite de validité du ticket se pose pour chacun qui se la fixe à lui-même. Faut-il s’obnubiler sur la capacité de pénétration ? L’important, est-ce seulement l’orgasme ? Ne faut-il pas plutôt apprendre que c’est l’affectif et le relationnel qui priment ? Et au lieu de s’obséder sur les pertes liées à l’âge, ne peut-on pas profiter encore de ce qui demeure ? Pour rester dans la référence littéraire, à la logique mortifère de Romain Gary, je préfère l’inspiration du poème de Paul Verlaine :
"Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme. La cloche, dans le ciel qu'on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l'arbre qu'on voit Chante sa plainte. Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville."
Même vue à travers le soupirail de la prison où il est enfermé, la vie reste savoureuse pour le poète. Voilà une disposition mentale qui dépasse certes la sexologie, mais qui pourrait guérir bien des sexophobies. »
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Illustrations tirées de « Sex Story », la première histoire de la sexualité en bande dessinée, aussi sérieuse que facétieuse, racontée par le Dr Philippe Brenot, responsable des enseignements de sexologie à Paris-Descartes, et illustrée par Laetitia Coryn (208 p., 24,90 €)
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