Toute relation sexualisée thérapeute-patient(e) est éthiquement déplorable, quelles que soient les argumentations du thérapeute, seul coupable.
LA SEXUALISATION du lien thérapeutique est plus fréquente dans le sens thérapeute-homme/patiente-femme, même si la symétrique existe. Le dérapage est souvent justifié par les thérapeutes de deux façons : soit en prétextant réconforter une patiente bouleversée ; soit en attribuant la faute à celle-ci qui aurait abusé d’arguments de séduction, ce qui atténuerait voire annulerait la responsabilité du thérapeute. Le thérapeute peut également s’exonérer de toute culpabilité en évoquant le fait que la relation sexualisée ne se déroulerait pas pendant une séance mais en dehors de celle-ci, voire après la fin de la thérapie. « Cette argumentation, souligne le Dr Christophe Marx, est techniquement invalide et éthiquement déplorable. »
En effet, dans la fonction de re-père, le thérapeute doit à sa patiente la protection qu’un père doit à sa fille : celle de ne pas la considérer comme une partenaire sexuelle. Interdire l’inceste, c’est récuser l’abus de pouvoir, c’est protéger le plus faible, c’est nommer la violence au lieu de la cacher ou de la justifier. Il en découle que la relation thérapeutique doit être radicalement débarrassée de toute connotation sexuelle. « Mais, estime le Dr Marx, il existe heureusement des hommes qui savent canaliser leur sexualité et qui se bornent, modestement, à recruter leurs partenaires sexuelles en dehors de leur clientèle. »
Il incombe donc au thérapeute de tenir la relation à l’écart de tout jeu sexuel. Une patiente qui se révélerait séductrice ne ferait que rejouer dans le transfert le drame de sa souffrance d’enfant. Elle manifeste dans ce cas la croyance qu’elle ne peut recevoir d’un homme une attention protectrice qu’en l’attirant sexuellement. Le but de la thérapie est d’aider la patiente à découvrir qu’elle peut bénéficier d’un lien protecteur sans avoir besoin de se soumettre à cet abus de pouvoir. Si le thérapeute « tombe dans le panneau », c’est l’Enfant intérieur de sa patiente qu’il fracasse.
En admettant que la sexualisation de la relation existe, le thérapeute peut sortir de cette situation de deux façons qui ne font qu’aggraver la situation. La première est de récuser l’accusation de manipulation et de se montrer, ou de se croire, réellement amoureux. La patiente est alors affublée d’un prétendant encombrant, empêtré dans ses promesses d’aide thérapeutique dans laquelle il était question de considérer sa patiente comme prioritaire et qui se met tout à coup à jouer sa propre partition de partenaire, donc à parité. La seconde est de stopper une relation ingérable en abandonnant sa patiente. « Le comble de la mauvaise foi, déplore le Dr Marx, est de jouer sur la question de l’argent, soit en faisant régler les séances à sa patiente pour maintenir un masque pathétique de lien thérapeutique, soit en interrompant les règlements pour se réfugier derrière l’idée fallacieuse que la patiente n’est est plus une et que la relation a évolué. »
Concernant la question du délai de la fin de la thérapie qui ré-ouvrirait les portes d’une sexualisation enfin autorisée, il faut garder à l’esprit que tout patient peut revenir vers son thérapeute un jour ou l’autre et que, insiste le Dr Marx, « la fille, devenue une adulte, reste symboliquement dans la filiation de son père, sans question de délai. L’appeler à retourner sexuellement vers son origine, équivaut non seulement à lui barrer la route de la croissance, mais aussi à lui interdire d’être sujet de sa vie, en la cantonnant au rôle d’objet consommable par le plus fort. » La patiente, dans le cadre du transfert, n’a aucun moyen de se rendre compte de tous ces pièges. En cas de dérapage, elle n’est que victime et le thérapeute assume à 100 % la totalité de la faute. Tous les codes de déontologie de toutes les associations de thérapeutes affirment, sans aucune exception, ce positionnement éthique.
À noter que la sexualisation du lien thérapeutique n’est pas qualifiée uniquement par le coït mais également par certains comportements équivoques comme les caresses, l’implication émotionnelle du thérapeute, l’évocation par celui-ci de ses propres sentiments, des invitations extra-thérapeutiques pouvant sembler anodines (concert, restaurant…).
« En outre, conclut C. Marx, les méthodes thérapeutiques qui recommandent d’utiliser la dimension du toucher et de l’approche corporelle ont développé des garde-fous explicites. Se référer à ces méthodes pour justifier un dérapage trahit une méconnaissance coupable et donc professionnellement condamnable. »
Communication du Dr Christophe Marx (psychiatre sexologue, président de la commission Déontologie de l’association EMDR France).
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