L'éjaculation prématurée est une dysfonction sexuelle masculine caractérisée par des éjaculations qui surviennent toujours ou presque toujours avant ou dans la minute qui suit la pénétration vaginale, avec une incapacité à différer cette éjaculation. Elle a des conséquences négatives importantes, à type d'angoisse, de souffrance, de frustration, voire de blocage dans l'activité sexuelle.
Il s'agit d'un trouble fréquent, qui toucherait de 20 à 30 % des hommes et qui représente le premier trouble sexuel avant l'âge de 30 ans.
L'éjaculation prématurée peut être primaire et survient alors très rapidement lors de tous ou quasi tous les rapports, avec toutes les partenaires, depuis le début de l'activité sexuelle. « Elle est alors souvent liée à une mauvaise empreinte des premières expériences sexuelles, par exemple des premiers rapports à 14 ans avec une professionnelle du sexe », précise le Pr Daniel Chevallier. Le trouble, qui pourrait être favorisé par des facteurs génétiques et/ou biologiques, évolue dans un contexte d'anxiété. Il peut s'aggraver avec le temps et est très difficile à prendre en charge. « En pratique, la situation s'améliore chez 30 % des hommes », note le Pr Chevallier.
L'éjaculation prématurée peut aussi être secondaire, relevant alors d'étiologies diverses, non organiques comme un problème relationnel avec la partenaire, une anxiété de performance, du stress, une perte d'emploi… ou organiques : prostatite, hyperthyroïdie, neuropathie (diabétique, alcoolique, infection par le VIH ou encore pubendale). Elle peut aussi être secondaire à la prise de substances psycho-actives (antidépresseurs ou psychostimulants) ou à une dysfonction érectile.
« De façon physiologique, tout oppose la sexualité masculine et féminine et l'éjaculation est naturellement rapide pour favoriser la perpétuation de l'espèce, rappelle le Pr Daniel Chevallier. Et si dans certaines cultures la rapidité de l'éjaculation est un signe de puissance, dans la nôtre, la montée en orgasme est idéalement coordonnée, ce qui peut représenter une pression très lourde pour certains hommes ».
Un interrogatoire précis
Les patients ne parlent pas spontanément de ce trouble à leur médecin habituel et la recherche d'une dysfonction sexuelle doit faire partie de tout bon interrogatoire. Une question simple comme « Comment ça va sexuellement ? » permet d'ouvrir une porte.
Il est en effet important de reconnaître ce trouble qui peut avoir un impact majeur sur le couple, avec de la culpabilité chez l'homme et de la frustration chez la femme, source de difficultés interpersonnelles et d'anxiété qui accroît le trouble, ce qui crée ainsi un cercle vicieux.
Face à un homme rapportant une éjaculation prématurée, l'interrogatoire doit être précis pour rechercher une éventuelle étiologie.
L'examen physique recherche des anomalies organiques : frein trop court, prostate inflammatoire, hyperthyroïdie, modifications des organes génitaux externes, qui pourront nécessiter un traitement étiologique.
Apprendre à moduler l'excitation
La prise en charge de l'éjaculation prématurée se fonde sur deux volets : médicaments et thérapie comportementale.
Cette dernière consiste en un apprentissage permettant de moduler l'excitation sexuelle. La première étape est de reconnaître les différents degrés d'excitation et notamment le point de non-retour, au-delà duquel l'éjaculation devient réflexe. Tout l'enjeu est d'apprendre à surfer sur ce point de non-retour, en recourant à des manœuvres comme le « stop and go », où l'homme arrête de bouger, et le « squeeze », qui consiste à comprimer fortement le gland. Ces techniques un peu archaïques sont aujourd'hui volontiers remplacées chez des hommes motivés par une thérapie sexofonctionnelle, au cours de laquelle l'homme apprend des techniques de relâchement et de respiration. Mais ceci nécessite l'adhésion de la partenaire et une bonne observance, car plusieurs entrevues avec un psychologue sont nécessaires.
Des conseils comportementaux simples sont également de mise : avoir des rapports sexuels réguliers, se concentrer sur ses propres sensations, bouger lentement, respirer avec le ventre, relâcher les muscles du périnée, savoir faire des pauses, communiquer avec la partenaire.
Des options pharmacologiques limitées
Au niveau pharmacologique, le seul traitement bénéficiant d'une AMM est la dapoxétine, prise à la demande 20 minutes avant le rapport sexuel. Cet inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (IRSS) qui serait dénué d'effet antidépresseur peut donner de bons résultats, mais il est relativement cher et non remboursé.
La prescription d'un IPDE5 peut être intéressante, notamment chez les hommes ayant des troubles de l'érection associés, afin de renforcer l'érection et permettre la poursuite de la pénétration malgré une première éjaculation.
Le tramadol, prescrit hors AMM, a été peu évalué, mais il peut aider certains hommes. Il expose toutefois à un risque addictif.
Enfin, les IRS (demi-dose), antidépresseurs (sélectifs et non sélectifs) longtemps utilisés hors AMM, sont aujourd'hui délaissés. Ce traitement est en effet susceptible d'entraîner des effets secondaires, dont des troubles sexuels ou de la fertilité et un risque suicidaire en cas d'arrêt brutal.
D'après un entretien avec le Pr Daniel Chevallier (CHU Nice)
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