Les perturbateurs endocriniens en débat au Sénat : la santé publique avant tout

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Publié le 13/04/2017
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Crédit photo : Phanie

« Les pouvoirs publics ont le devoir de trouver des solutions pour protéger la santé des concitoyens » vis-à-vis des perturbateurs endocriniens, a martelé Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes au Sénat, en préambule d’un colloque organisé mardi à la Haute Assemblée.

L’événement s’inscrit dans le prolongement du récent rapport d’information de la commission des Affaires européennes du Sénat et du vote d’une résolution sur les critères de définition des perturbateurs endocriniens, toujours en cours d’élaboration au niveau de la Commission européenne.

Si la question des perturbateurs endocriniens se situe au carrefour des approches sanitaires, scientifiques et économiques, « son point de mire ne peut être que la seule protection de la santé publique », clame Alain Milon, président de la Commission des affaires sociales du Sénat. Sur ce point, Nathalie Chaze, directrice adjointe du cabinet du commissaire européen en charge de la santé, se veut rassurante. Dans le cadre du règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques et biocides, le texte actuel qui définit les critères d’un perturbateur endocrinien s’inscrit dans « une approche de précaution », avec une « base raisonnable d’éléments probants », sur l’animal, sans nécessairement exiger des études démontrant directement une causalité, évoque-t-elle. Après les revers successifs essuyés par la commission depuis la présentation de la première version de son texte, en juin dernier, Nathalie Chaze ne peut que constater aujourd’hui les difficultés à obtenir un consensus parmi les Etats membres. « On a l’obligation d’agir de manière réglementaire et forcement, traduire la science dans la réglementation, c’est traduire des doutes dans la décision », déclare-t-elle. « Il serait préférable de ne pas demander la perfection mais de décider rapidement de manière à commencer à agir », en retirant du marché du marché européen des produits perturbateurs endocriniens, poursuit Nathalie Chaze.

Industriels inquiets

« On parle beaucoup de principe de précaution, mais celui-ci doit être appliqué de manière raisonnée et réfléchie pour que sa mise en œuvre n’entraîne pas des conséquences encore plus préjudiciables pour la santé publique et la collectivité », avertit Jean Bizet. Pour les industriels les enjeux sont également importants : la mise sur le marché européen d’une substance active représente un investissement de 250 millions d’euros et environ 10 ans de recherche, rappelle Julien Durant-Reville, responsable santé de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP). « La difficulté, c’est de bien faire la part des choses entre des perturbateurs endocriniens avérés et des substances qui peuvent entrer en interaction sans nécessairement avoir des effets néfastes sur la santé », ajoute-t-il. Si les critères de définition des perturbateurs endocriniens permettent en l’état de réguler et de sortir du marché un certain nombre de molécules problématiques, la version en cours de finalisation au sein de la Commission européenne « peut aboutir à des faux positifs », craint Michel Urtizberea, responsable du service homologation chez BASF.

Manque de tests

« Cette définition ne sera pas figée dans le marbre et sera réévaluée régulièrement », selon les avancées de la science, note Nathalie Chaze. Encore faut-il investir massivement dans ce domaine pour faire progresser sensiblement les connaissances. Aux yeux, d’André Cicollela, président du Réseau Santé environnement (RES), les moyens consacrés aujourd’hui à la recherche sur les perturbateurs endocriniens ne sont pas à la hauteur des défis sanitaires. « On manque de façon cruciale de tests qui permettent d’asseoir le caractère de perturbateur endocrinien des substances », souligne Roget Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). « Les délais pour la standardisation de nouveaux protocoles peuvent être longs. C’est pourquoi l’effort de réglementation doit prendre en compte l’existence des différentes méthodes existantes pour l’identification des perturbateurs endocriniens, sans attendre leur standardisation », prône le sénateur Alain Vasselle.


Source : lequotidiendumedecin.fr