Les Académies des sciences, de médecine, de pharmacie et d’agriculture, appellent la Commission européenne à « trancher » sur les critères de définition des perturbateurs endocriniens en reconnaissant notamment la validité des études toxicologiques sur l’animal au niveau réglementaire.
Ils appellent les décideurs européens, qui n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur le sujet, à réglementer en faveur de la santé publique.
« Nous avons affaire à une explosion des maladies chroniques, notamment de diabète de type 2. Parallèlement à l’augmentation de la fréquence de l’obésité, de l’insulinorésistance, des cancers hormonodépendants ou des troubles cognitifs, on n’a jamais eu autant recours aux techniques de fécondation in vitro », évoque le Pr Philippe Bouchard, membre de l’Académie de médecine.
En novembre 2016, il était le coordinateur du symposium sur les perturbateurs endocriniens qui a réuni les Académies des sciences, de médecine, de pharmacie et d’agriculture, à Paris. S’il reste aujourd’hui difficile d’établir une relation sans équivoque entre les multiples sources d’exposition et des effets cliniques, le principe de précaution doit prévaloir sur le plan réglementaire en matière de perturbateurs endocriniens, s’accordent les académiciens.
Mécanismes d’action
« Il faut permettre aux autorités de régulation de reconnaître la validité des études animales pour transposer les évictions de produits dangereux dans l’espèce humaine, en particulier vis-à-vis des sujets les plus à risque que sont les femmes enceintes et les enfants en bas âge », déclare le Pr Bouchard.
« Pour détecter l’effet perturbateur, quasiment tous les industriels continuent d’utiliser en 2017 des règles toxicologiques en fonction de la dose. Ceci n’est pas convenable », poursuit-il. « Un certain nombre de perturbateurs endocriniens agissent avec les mêmes mécanismes. Pour avancer sur le plan réglementaire, il convient de considérer les doses additives avec des facteurs de correction », indique le Pr Robert Barouki (Université Paris-Descartes) qui a signé l’un des comptes rendus du symposium 2016, récemment publiés dans la revue « Biologie » de l’Académie des Sciences, aux éditions Elsevier.
Mieux financer la recherche
« Les autorités de régulation ont affaire à des industriels exigeant des critères au-delà du doute raisonnable. Elles devraient déjà appliquer les résultats de la recherche actuelle afin de sélectionner les produits qui apparaissent toxiques et les mettre de côté pour de plus amples études », considère le Pr Bouchard. Tandis que le coût annuel lié aux dégâts sanitaires des perturbateurs endocriniens est estimé entre 160 et 200 milliards d’euros au sein de l’Union européenne, les financements alloués à la recherche dans ce domaine ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux.
« La priorité, c’est le soutien aux grosses infrastructures de recherche pluridisciplinaire que sont les nouvelles générations de cohortes de naissance incluant une forte composante biologique », lesquelles s’avèrent plus adaptées à l’identification de substances peu persistantes dans l’organisme, a expliqué Rémy Slama, épidémiologiste à l’INSERM lors du symposium organisé l’année dernière à l’Académie des sciences. « Il faut être conscient du coût absolument considérable des études à réaliser » au regard du « nombre de produits potentiellement perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement », a-t-il insisté.
« On manque d’un modèle de financement bien établi et convaincant pour permettre d’avoir les moyens réellement nécessaires. Sinon, on pourra toujours accuser la science d’être lente pour confirmer ou infirmer les signaux émergents issus des différentes disciplines », conclut le chercheur.
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