ON estime que plus de 150 000 patients bénéficient chaque année, en France, de biopsies de prostate. La technique de six biopsies échoguidées par voie endorectale réparties de façon homogène dans la prostate, décrite initialement par Hodge, a connu il y a une dizaine d’années des modifications conduisant à recommander aujourd’hui la réalisation de douze prélèvements pour optimiser le taux de diagnostic de cancer lors d’une première série de biopsies (1). Malgré le bon rendement diagnostique de cette méthode, qui semble néanmoins variable suivant les opérateurs, il est reconnu que les biopsies effectuées par voie endorectale ne permettent pas de réaliser une cartographie précise de la localisation du cancer à l’intérieur de la prostate.
Or, la diffusion du dosage sérique du PSA conduit plus fréquemment à diagnostiquer des lésions bien différenciées ayant une faible masse tumorale. Ces lésions peuvent être considérées comme cliniquement non significatives ou accessibles à un traitement focalisé. Ces constatations conduisent alors à la nécessité d’améliorer la cartographie du cancer de la prostate pour que chaque patient puisse bénéficier de la prise en charge la plus adaptée, celle-ci pouvant aller de la surveillance active au traitement radical.
Actuellement, mis a part les optimisations des systèmes d’échographie 2D telles que l’élastographie et l’échographie de contraste qui sont dans une phase initiale d’évaluation clinique, deux méthodes d’imagerie complémentaires semblent émerger pour réaliser une cartographie précise : l’IRM et l’échographie 3D.
IRM prostatique : du bilan d’extension à la cartographie tumorale.
Initialement dédiée au bilan d’extension local du cancer de prostate, l’IRM permet à l’heure actuelle, avec le développement de l’imagerie moléculaire, d’obtenir une véritable cartographie tumorale. L’association des séquences morphologiques (T2) et moléculaires (diffusion et perfusion) permet la détection, la localisation, l’estimation du volume, et donne des informations sur l’agressivité tumorale. L’imagerie multiparamétrique permet de détecter des lésions nettement infracentimétriques ; par convention, seules les lésions de plus de 7 mm de grand axe sont considérées comme significatives. Cette cartographie tumorale et d’autant plus précise que l’IRM est effectuée avant une première série de biopsies ou à distance (› 6 semaines) d’une première série pour s’affranchir des remaniements inflammatoires et hémorragiques. Il n’existe actuellement pas de recommandations pour réaliser une IRM avant biopsie, mais cette technique semble légitime avant une deuxième série de biopsies afin de ne pas méconnaître une éventuelle lésion antérieure qui peut représenter, dans certaines séries, jusqu’à 25 % de la localisation tumorale. Cette cartographie tumorale IRM permet de guider les prélèvements biopsiques avec un meilleur échantillonnage des zones suspectes. En augmentant la rentabilité des biopsies (nombre et longueur des prélèvements positifs), l’IRM offre ainsi une meilleure stadification du cancer de prostate. Différentes études cliniques sont en cours pour évaluer le guidage des biopsies vers des zones IRM suspectes. Le guidage peut reposer uniquement sur les capacités cognitives de l’opérateur ou faire appel à de nouveaux systèmes de guidage échographiques 3D avec fusion d’images.
L’échographie : un système de localisation des biopsies.
Malgré les progrès récents de l’IRM, la réalisation des biopsies reste bien sûr indispensable. Afin de faire une cartographie biopsique précise, certains proposent d’effectuer les biopsies par voie transpérinéale, en contrôlant leur distribution à l’aide d’une grille de curiethérapie. Cette méthode nécessite néanmoins une anesthésie générale et le risque de rétention aiguë d’urine est supérieur à celui de la voie transrectale. De plus, la précision de la localisation des biopsies est sujette à caution car, lors de l’introduction de l’aiguille sa déviation à l’intérieur des tissus peut être importante et la prostate bouge de façon significative.
La nécessité de localiser en 3D avec précision les biopsies réalisées, voire de les guider, en particulier vers une cible prédéterminée à partir de l’IRM, a conduit les industriels de l’imagerie à développer des approches innovantes de dispositifs de guidage. Un autre objectif de ces outils est d’enregistrer la localisation des biopsies réalisées afin d’utiliser ces informations s’il est nécessaire de refaire une nouvelle série de biopsies, par exemple en cas de surveillance active, ou si on opte pour un traitement focalisé dans la zone des biopsies positives.
Deux approches techniques différentes peuvent être mises en œuvre. La première consiste à localiser la sonde échographique dans l’espace (avec un localisateur magnétique ou un bras robotique) et la seconde à utiliser des algorithmes de traitement d’images. Les systèmes utilisant le concept de localisation de la sonde sont temps réel, mais peu précis (de l’ordre du centimètre). Les systèmes utilisant le concept des algorithmes de traitement d’image sont plus lents (il faut 3 secondes pour connaître la position de la biopsie), mais beaucoup plus précis (de l’ordre du millimètre).
À titre d’exemple, les images suivantes ont été obtenues avec le dispositif commercialisé par la société Koelis (Grenoble, France) qui repose sur le concept des algorithmes de traitement d’images. Elles illustrent le potentiel de ce type de dispositif pour réaliser des biopsies vers une cible IRM.
Ainsi, au total, les systèmes de fusion d’image échographique et IRM avant biopsies prostatiques sont en cours d’évaluation dans des études cliniques. La place de l’IRM prostatique avant les biopsies reste cependant à définir et à valider par des études médico-économiques, en particulier avant une première série de biopsies. Sa réalisation avant une deuxième série de biopsies est licite. La fusion d’image écho-IRM permet alors de rentabiliser les prélèvements biopsiques avec une meilleure estimation du volume, de la localisation et de l’agressivité tumorale ; autant d’éléments permettant d’adapter au mieux la prise en charge thérapeutique des patients à l’heure de la surveillance active et des thérapies focales.
D’après un entretien avec le Dr Raphaele Renard-Penna, service de radiologie et d’imagerie médicale, groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, et le Dr Pierre Mozer, service d’urologie, groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière et Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, CNRS / UMR 7222, Paris.
Référence
(1) Ouzzane A, et coll. Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques. Progr Urol 2010 [en ligne : doi 10.1016/j.purol.2010.07.001].
Figure 1 : IRM avec lésion antérieure droite. Les traits verts correspondent aux biopsies négatives. Les traits rouges aux biopsies positives. Seules les biopsies centrées vers la cible IRM sont positives.
Figure2:Idem Figure 1, mais image échographique.
Figure3:Image 3D de la distribution des biopsies. Vue frontale à partir de la sonde d’échographie.
Figure 4 : Image 3D de la distribution des biopsies. Vue latérale.
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