Cancer de la vessie : les urologues mobilisés pour le diagnostic précoce et l’accès aux innovations

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Publié le 30/04/2024
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L’hématurie, le premier signe clinique du cinquième cancer le plus fréquent en France, reste mal connue du grand public et notamment des femmes, chez lesquelles la prévalence est en hausse. En mai, mois de sensibilisation au cancer de la vessie, les urologues martèleront le slogan de leur campagne « Urines rouges, je me bouge ».

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’incidence du cancer de la vessie, cinquième cancer le plus fréquent en France (deuxième au rang des cancers urologiques après la prostate), a progressé de 7,1 % en Europe depuis 2020. Sur le continent, 219 000 nouveaux cas sont attendus d’ici 2030. En France, entre 13 000 et 20 000 nouveaux cas et 5 000 décès sont déjà recensés chaque année. Plutôt masculin (environ les trois quarts des cas), ce cancer est de plus en plus féminin, en raison d’un « rattrapage » lié à leur tabagisme (principal facteur de risque) plus tardif. Les femmes présentent souvent des formes plus graves, le diagnostic pouvant être retardé par une confusion avec les symptômes d’une infection urinaire.

Le slogan « Urines rouges, je me bouge », au cœur de la campagne de sensibilisation commune à l’Association française d’urologie (AFU) et à l’association de patients Cancer Vessie France, cible le grand public. Elle invite aussi les praticiens, et surtout les généralistes, à orienter les patients vers un urologue face à toute hématurie. « Dans 80 à 90 % des cas, c’est le premier symptôme », insiste le Dr Benjamin Pradère, urologue et membre du comité de cancérologie de l'AFU. D’autres signes doivent alerter, comme les cystites à répétition ou les troubles de la miction.

De 80 % à 5 % de survie à 5 ans selon le stade au dépistage

La précocité du dépistage influence le pronostic. Ce dernier dépend de l’infiltration du muscle par la tumeur. Quand le muscle est épargné, la survie atteint 80 % à 5 ans. Au stade de l’infiltration, quand la tumeur a franchi le chorion, la survie à 5 ans chute à 50 %. En cas de métastases, elle n’est plus que de 5 %.

Lorsque la tumeur a infiltré le muscle, une cystectomie est nécessaire, « avec un impact énorme sur la qualité de vie » des patients, souligne le Dr Pradère. Après « des années sans progrès », rappelle Lori Cirefice, présidente de Cancer Vessie France, de nouvelles immunothérapies apportent une amélioration. Si les inhibiteurs du checkpoint immun ciblant PD-1 ont depuis 10 ans « changé le pronostic des cancers métastatiques », souligne l’AFU, les avancées pour les traitements en phase précoce de la maladie sont plus récentes. C’est le cas du nivolumab, un adjuvant à la chimiothérapie indiqué chez les patients à haut risque de récidive.

Pour les stades plus avancés, l’arrivée d’anticorps armés (antibody-drug conjugate en anglais ou ADC), associés à une immunothérapie, ouvre des perspectives en permettant d’obtenir une courbe de survie « exceptionnelle », commente le Pr Yann Neuzillet, chirurgien urologue et membre du comité de cancérologie de l'AFU. Un premier ADC, l'enfortumab vedotin, a démontré son intérêt après une chimiothérapie classique et une immunothérapie. Cet ADC associé à une immunothérapie par pembrolizumab a réduit de moitié le risque de décès des patients nouvellement diagnostiqués à un stade localement avancé ou métastatique, selon des résultats publiés dans le NEJM. L’espoir est que le traitement soit rapidement disponible en accès précoce, poursuit-il, relevant que l’attente est « insupportable » pour les patients.

Le défi de l’accès précoce

Dans les cancers avancés, un traitement par un inhibiteur de FGFR, l'erdafitinib, offre aussi des perspectives aux quelque 200 patients français qui voient la maladie progresser malgré la chimiothérapie et l’immunothérapie. « Une réelle amélioration de la survie est observée », souligne le Pr Neuzillet. L’urologue déplore le retrait de son accès précoce. L’argument avancé par les autorités est que « d’autres molécules remplissent le même rôle », regrette-t-il. La conséquence de cette décision est un « accès plus complexe à un traitement qui a un réel bénéfice chez certains patients. »

Enfin, un des enjeux actuels porte sur le suivi des patients pour faire reculer le nombre de récidives. La fibroscopie reste l’examen standard, mais des alternatives moins invasives sont à l’étude. L’AFU mène, dans le cadre du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), une évaluation de potentiels biomarqueurs. Le registre TVNIM AFU vise à déterminer le potentiel de plusieurs tests urinaires.

Pour informer sur les défis liés au diagnostic précoce et à l’accès aux innovations, plusieurs évènements sont prévus dans le cadre de la quatrième édition du mois de la vessie, dont une « journée patients », le 2 mai.


Source : lequotidiendumedecin.fr