Les progrès réalisés dans la connaissance des pathologies conditionnent leur prise en charge. Ainsi, les recommandations des sociétés savantes sur l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) prennent régulièrement en compte les avancées
physiopathologiques et thérapeutiques. En France, celles publiées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2003 (1) font office de référence pour la pratique médicale. Ce qui, bien sûr, n’exclut pas de mener des réflexions sur leur évolution.
Au travers de dix réunions animées par des urologues, le Quotidien du Médecin propose de faire le point sur l’actualité dans ce domaine. Bien informer les médecins généralistes sur l’HBP est d’autant plus important qu’ils sont les premiers à voir les patients. La prévalence élevée de l’affection et son risque non négligeable de complications font de cette information un enjeu majeur.
Réflexion sur le toucher rectal.
Dès la première étape de la prise en charge du patient, les médecins généralistes sont demandeurs de l’avis des urologues. Le toucher rectal (TR) est-il toujours utile pour le dépistage de l’HBP ? Faut-il prescrire une échographie pour confirmer le diagnostic ? Quels sont les examens complémentaires indispensables en cas de suspicion d’HBP ? Quand adresser le patient à son urologue et sur quels critères ? Ces questions recoupent la réflexion menée actuellement sur l’apport scientifique réel du TR qui, bien que préconisé par toutes les recommandations, n’est pas toujours réalisé tant par les médecins généralistes (2) que par les hospitaliers (3). Le TR présente un intérêt limité comparé à l’échographie ou au dosage du PSA sérique pour évaluer le volume de la prostate (4). Par comparaison avec la palpation mammaire pour le sein, il est moins sensible pour évaluer la consistance de la prostate (5). En revanche, il garde un intérêt majeur dans la recherche de la coexistence d’un cancer prostatique.
Quel timing thérapeutique ?
Ces réunions sont également l’occasion d’informer les médecins généralistes sur les
réflexions concernant le timing thérapeutique de l’HBP. Le traitement chirurgical ou médical est actuellement recommandé en cas de complication et possible en l’absence de complications (1). Une simple surveillance est préconisée en cas de gêne symptomatique légère ou considérée comme acceptable par le patient. Mais il existe des arguments en faveur d’un éventuel changement de paradigme. Faut-il initier le traitement médical plus tôt ? Une question légitimée par des résultats en faveur du traitement précoce (6).
Même interrogation pour la chirurgie, devenue un traitement tardif et de sauvetage de l’HBP (7) et dont l’impact sur la vie sexuelle doit être reconsidéré (8).
Faut-il opérer plus tôt en sachant que le retard de l’intervention augmente l’âge des patients, le volume de la prostate et, donc, le risque opératoire (9) ? Une désobstruction mécanique précoce pourrait prévenir le développement d’altérations vésicales empêchant un retour à des mictions satisfaisantes et diminuer le nombre de patients opérés qui continuent à prendre des médicaments pour une HBP. Certes, la morbidité périopératoire des interventions « classiques » ne doit pas être sous-estimée, mais la chirurgie des SBAU évolue. De nouvelles techniques en cours d’évaluation permettent de réduire la durée d’hospitalisation et sont plus adaptées aux patients âgés ayant des comorbidités cardio-vasculaires.
Au vu de toutes ces données, on peut postuler que, attendre la gêne, c’est peut-être trop tard pour initier le traitement médical et que, attendre l’échec du traitement médical, c’est peut-être trop tard pour opérer. Dans l’attente d’études confirmant ces hypothèses, le débat reste ouvert.
Réunion organisée avec le soutien institutionnel des Laboratoires Abbott.
* Les « Rendez-Vous » du Quotidien du Médecin. Hypertrophie bénigne de la prostate : une prise en charge en mutation.
(1) Recommandations de bonne pratique. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Mars 2003. www.has-sante.fr
(2) Costa P et al. Prog Urol 2004 ; 14 : 33-9.
(3) Lim CH et al. Urology 2007 ; 70 : 843-5.
(4) Bosch JL et al. Eur Urol 2004 ; 46 : 753-9.
(5) Kowalik CG et al. Prostate Cancer Prostatic Dis, août 2011.
(6) Debruyne F et al. Eur Urol 2004 ; 46 : 488-95.
(7) Wilson JR et al. Ann R Coll Surg Engl 2004 ; 86 : 428-31.
(8) Muntener M et al. Eur Urol 2007 ; 52 : 510-5.
(9) Vela-Navarrete R et al. BJU Int 2005 ; 96 : 1045-8.
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