« LA RELATION entre dysfonction érectile (DE) et cœur est très forte, et ce à double titre », souligne le Pr Pierre Costa, chef du service d’uro-andrologue au Centre hospitalier de Nîmes. La DE témoigne d’une atteinte des vaisseaux, cardiaques notamment, et la levée de la DE par l’un des 3 inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (IPDE5) nécessite un cœur vaillant.
Or, 30 % des patients qui souffrent d’une DE ont une maladie sous-jacente qu’ils ignorent, un syndrome d’apnées du sommeil, une dépression, un diabète, une hypertension artérielle, par exemple, que l’on découvre à la faveur du bilan minimal réalisé pour une DE. C’est en 2003 qu’une première publication, signée par deux frères (le premier cardiologue, le second urologue), a évoqué ce lien entre DE et problèmes cardiovasculaires (CV) : les patients hospitalisés pour complications cardiaques (syndrome coronaire aigu ou décompensation cardiaque) débutaient des troubles d’érection déjà trois ans auparavant.
Marqueur de risque.
Autrement dit, lorsqu’un patient à risque CV (HTA, diabète, tabagisme, etc.), asymptomatique encore, voit son érection défaillir, sa maladie vasculaire (à la fois athéromateuse et endothéliale) est relativement étendue, celle-ci se manifestant prioritairement pour les organes aux artères les plus petites (de la verge, du cerveau, puis des coronaires, des membres inférieurs et des carotides). Le temps de survenue de symptômes cardiaques est alors de trois ans environ, d’un accident CV de quatre à cinq ans… Quand donc paraît la DE, le patient et son médecin disposent de trois à cinq ans pour le prévenir, à condition de se fixer des objectifs ambitieux, glycémiques, lipidiques et/ou tensionnels.
« La DE peut être considérée, résume le Pr Costa, comme un marqueur de risque de maladie coronarienne silencieuse, la probabilité d’une telle maladie étant augmentée en cas de DE ; une DE qui est par ailleurs un facteur de gravité de la pathologie vasculaire. Le patient doit même être considéré comme un cardiaque potentiel jusqu’à preuve du contraire ! »
Les dernières recommandations de Princeton (2010) en tiennent compte, qui précisent : les conditions de prescription des médicaments spécifiques de la DE, sans examen cardiologique préalable pour les hommes indemnes de facteurs de risque CV ; à plus de 3 facteurs de risque en revanche (homme, plus de 50 ans, stressé, fumeur, etc.) - et l’on atteint vite ce nombre - la prudence et une évaluation cardiologique s’imposent.
Bilan préliminaire.
Seconde raison de porter une particulière attention au cœur en cas de DE, les caractéristiques des médicaments de la DE. Ils ne sont pas dangereux pour le cœur. Au contraire : la réserve coronaire croît et parallèlement le risque d’IDM décroît dans la population traitée.
Ils sont toutefois contre-indiqués dans deux situations : un patient qui prend des dérivés nitrés (en spray ou à croquer), pour des douleurs angineuses, ou des « donneurs » de nitrés (des vasodilatateurs comme la molsidonine ou le nicorandil) en traitement de fond d’un angor instable. Enfin, l’acte sexuel (permis par un IPDE5) représente un certain effort que le patient (et son cœur) peut ou non assumer : il équivaut à la montée de deux étages, tranquillement sans courir (un seul s’il s’agit d’une partenaire habituelle), ou à 20 minutes de marche sur du plat.
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