« AUJOURD’HUI, le bénéfice du traitement radical immédiat des cancers de la prostate confinés à la glande prostatique et de faible grade (score de Gleason <7) n’est pas démontré pour les hommes de plus de 65 ans. À cet âge, le dépistage par dosage du PSA expose ainsi à découvrir, soit un cancer avancé, qui ne peut plus être guéri, mais qui l’aurait été si le dépistage avait été fait plus tôt ; soit un cancer débutant, dont le traitement risque d’altérer la qualité de vie urinaire et sexuelle sans apporter de bénéfice en termes de survie », souligne le Pr Olivier Cussenot.
Les chiffres de l’Observatoire de la prise en charge en urologie (Observa-pur), coordonné par le Pr Bertrand Lukacs (service d’urologie, hôpital Tenon, Paris), et issus de l’analyse des prescriptions nationales, le montrent clairement : les prescriptions de dosages du PSA total ont considérablement augmenté en France au cours des dernières années. Leur nombre est ainsi passé de 3,93 millions en 2004 à 4,99 millions en 2007. La consommation de PSA total représente 82 % de la consommation totale de PSA Le nombre de PSA libres est, lui, passé de 750 800 actes prescrits à 1,5 million entre 2004 et 2007. « Si on retire les PSA faits pour la surveillance des malades traités (environ 300 000 en France), on constate qu’environ 3,8 millions de tests PSA ont été pratiqués pour rechercher un cancer de la prostate. Si on enlève les dosages effectués en raison de la présence de symptômes urinaires en rapport avec une hyperplasie bénigne de prostate (450 000), on se rend compte que, en dépit des controverses, le dépistage par PSA existe bel et bien dans notre pays puisque 3,35 millions de tests y sont prescrits chaque année », souligne l’étude Observa-pur.
Un coût pour la collectivité.
Autre constat : la consommation de PSA augmente dix fois plus vite que la population des hommes de plus de 50 ans en France : selon les données provisoires du recensement 2007 de l’INSEE, cette population des hommes de plus de 50 ans s’est accrue de + 3,8 % entre 2004 et 2007 alors que la consommation totale d’actes de dosages du PSA a, elle, augmenté de 31,5 %.
Ce dépistage qui, faut-il le rappeler, se fait toujours sur la base d’une démarche individuelle, a un coût pour la collectivité : le dosage du PSA total coûte 18,72 € (B60 = 16,02 € + prélèvement = 2,52 €). Le dosage du PSA spécifique libre avec rapport PSA libre et PSA totale coûte 34,92 € (B120 = 32,04 € + prélèvement = 2,52 €). « En 2007, le coût de l’ensemble des dosages de PSA total atteignait 93,85 millions d’euros ; celui du PSA libre était de 40,158 millions d’euros, soit un total de 134 millions d’euros », analyse l’étude Observa-Pur. Or ces sommes pourraient être optimisées. « Ce poste budgétaire, qui est conséquent, mériterait qu’on se mobilise pour mieux distribuer les prescriptions de PSA dans la population masculine à risque pour le cancer de la prostate. En effet, on constate qu’un nombre très élevé de dosages sont prescrits pour des patients relativement âgés », ajoute le Pr Cussenot.
Une médiane des prescriptions autour de 65 ans.
Selon Observa-pur, la part des prescriptions de PSA total pour les plus de 75 ans était de 17,9 % en 2007 et de 8,5 % pour les plus de 80 ans. « Aujourd’hui, si les recommandations pour un dépistage individuel concernent les 50-75 ans, la médiane des prescriptions de PSA se situe autour de 65 ans : plus de 50 % des dosages de PSA total sont demandés à un moment où l’on n’a aucune preuve réelle d’un bénéfice en termes de survie. En effet, si on se réfère aux articles qui ont essayé de comparer les patients traités par prostatectomie pour un cancer localisé dépisté par rapport aux patients non traités, on ne trouve pas de bénéfice clair après 65 ans concernant la réduction de la mortalité spécifique », souligne le Pr Cussenot.
Celui-ci reconnaît cependant que le débat entre l’AFU et la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le dépistage rend difficile l’élaboration de messages clairs à destination du public et aussi du corps médical. « Les généralistes, qui sont en première ligne, sont un peu entre le marteau et l’enclume. Aujourd’hui, il n’y pas de dépistage organisé, mais les médecins doivent informer leurs patients sur les avantages et inconvénients du dépistage individuel. Cette information, doit préciser que, dans une grande majorité des cas, des foyers microscopiques de néoplasie prostatique, constatés à la suite d’un dosage du PSA, ne vont pas nécessiter un traitement agressif, mais faire classer ces patients dans une population à risque qui justifie une surveillance particulière », indique le Pr Cussenot, en soulignant la nécessité de rappeler l’intérêt d’un dépistage à un âge relativement précoce, notamment chez des patients ayant des facteurs prédisposant au cancer de la prostate. On peut prescrire un dosage PSA dès 45 ans chez des patients avec des antécédents familiaux ou d’origine africaine. Plus le dosage est précoce et plus il sera informatif sur le risque ultérieur de cancer. Ensuite, il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un test de « débrouillage », qui doit être complété, par un examen urologique complet, car il oriente plus souvent sur la prise en charge d’une hypertrophie bénigne prostatique ou d’une inflammation prostatique que sur un cancer de la prostate.
D’après un entretien avec le Pr Olivier Cussenot, service d’urologie/oncologie, hôpital Tenon, Paris.
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