Par le Pr Georges Fournier*
La prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants est fréquente chez les candidats au traitement chirurgical de l’hypertrophie bénigne de la prostate. A titre d’exemple, aux États-Unis, jusqu’à 30 % des patients, dans cette tranche d’âge, seraient sous traitement antiagrégant (aspirine, clopidogrel). Les patients sous antivitamine K sont plus rares, mais leur nombre augmente du fait des comorbidités cardio-vasculaires associées au vieillissement. Les urologues, les cardiologues et les anesthésistes sont habitués à la prise en charge de ces malades lorsque l’indication du traitement chirurgical de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) par résection transurétrale est posée. Le plus souvent, les antiagrégants sont interrompus lors de la période périopératoire, ce qui pose problème chez les patients porteurs de stents coronaires. Quant aux médicaments antivitamine K, ils peuvent être relayés temporairement par l’héparine IV ou les héparines de bas poids moléculaire afin de rendre plus facile le management de la coagulation en per et postopératoire immédiat. Enfin, dans certains cas, l’anticoagulation doit être maintenue à un niveau qui peut contre-indiquer la résection endoscopique et contraindre un patient en rétention à rester porteur d’une sonde à demeure, s’il est âgé, ou à subir une intervention à risque élevé.
La vaporisation prostatique par laser, dont l’utilisation est croissante en alternative à la résection endoscopique, ouvre de nouvelles perspectives chez les patients anticoagulés. En effet, le caractère hémostatique du laser pour la vaporisation prostatique est démontré par les études et l’expérience clinique depuis plusieurs années. Cela est lié à sa longueur d’onde spécifique (532 nm) et à son absorption par l’hémoglobine des tissus.
L’utilisation du laser GreenLight, longtemps confidentielle, était initialement freinée par la lenteur de la vaporisation et par conséquent son insuffisance à traiter efficacement des prostates au-delà de 40 cc. Depuis, la technologie a évolué, passant du laser KTP au laser LBO (lithium triborate) 120 watts et maintenant 180 watts. Cela permet de traiter l’HBP avec une durée opératoire équivalente à la résection endoscopique classique, mais des durées de sondage et d’hospitalisation réduites. En outre, le volume prostatique n’est plus un facteur limitant. Chez les patients sous antiagrégants ou anticoagulants, la littérature est pauvre en termes d’études comparatives et randomisées, et les études observationnelles comportent un nombre souvent restreint de patients.
Pas de risque hémorragique supplémentaire.
Quelques conclusions peuvent cependant être tirées en attendant des études irréprochables sur le plan méthodologique. Il apparaît que le maintien des antiagrégants en peropératoire ne confère pas de risque hémorragique supplémentaire par rapport à celui d’hommes traités par laser sans traitement antiagrégant. Dans notre expérience clinique personnelle, cela est confirmé à la fois en per, mais également en postopératoire, y compris sous clopidogrel. En cas de traitement par antivitamines K, les quelques auteurs qui relatent leur expérience de vaporisation laser sans interruption du traitement (une centaine de cas au total) rapportent simplement une plus grande fréquence d’irrigations postopératoires pour hématurie et une hospitalisation plus longue par rapport aux patients sans anticoagulants, mais pas davantage de transfusions. Au vu des caractéristiques techniques du laser, des résultats concordants des études, et de l’expérience clinique des utilisateurs, la vaporisation par laser apparaît ainsi comme une technique à proposer en première intention chez les patients à risque hémorragique. Il reste néanmoins à établir un protocole consensuel de prise en charge périopératoire chez les patients sous antivitamine K. L’avenir nous dira si l’on peut continuer un traitement par antivitamine K sans interruption comme certaines études le signalent, ce qui évite les risques de variation de la coagulation lors des relais, ou bien s’il est préférable de maintenir un relais classique par héparine IV ou de bas poids moléculaire en périopératoire, et alors à quel niveau d’anticoagulation. Des études comparatives apparaissent donc nécessaires pour apporter ces réponses.
*CHU, Brest.
Liens d’intérêts : le Pr Georges Fournier assure des formations à la technologie laser Greenlight pour la société American Medical System.
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