PAR LE Pr DIDIER JOURNOIS*
AUJOURD’HUI, l’épuration extrarénale en réanimation (EERR) est préférentiellement utilisée de façon continue à la place de la traditionnelle hémodialyse intermittente, de façon à faire bénéficier le patient d’une déplétion progressive et d’une grande régularité de clairance. Cette régularité permet un meilleur contrôle de l’efficacité des autres traitements, en particulier anti-infectieux (1). Deux principes physiques sont employés : la diffusion pour la dialyse et la convection pour l’hémofiltration, cette distinction devient moins importante du fait de récents progrès en matière de membranes, les deux procédés étant intimement mêlés.
L’hémofiltration permet, en ne réadministrant qu’une part du volume ultrafiltré, de réaliser une déplétion bienvenue chez les patients en inflation hydrique et anuriques. Elle n’est limitée que par la tolérance hémodynamique. L’enjeu est donc de parvenir à déshydrater sans induire de trouble circulatoire. L’eau étant soustraite du plasma, le risque est que ce débit de déplétion soit plus important que le débit de retour de l’interstitium vers le plasma. Cela souligne l’importance du monitorage continu de la tolérance de la déplétion autrement que par la simple pression artérielle.
Le sang, en parcourant l’hémofiltre, perd de son eau et se concentre. Sans même invoquer le mécanisme biologique de coagulation, on comprend que les conditions sont réunies pour que le sang visqueux obstrue le filtre. Il existe donc deux composantes à la prévention de l’obstruction d’un filtre en EERR : éviter l’hémoconcentration excessive en monitorant la fraction de filtration et assurer une anticoagulation optimale.
Comprendre l’alarme.
Réappuyer sur le bouton quand « ça ne marche pas » est une pratique fréquente. Alors que l’on pourrait penser que les seuls inconvénients de pressions répétées sur le bouton de suspension d’alarme sont le temps perdu et l’agacement généré, la réalité est pire : ces manœuvres concourent à la perte du circuit, du sang qu’il contient, du temps de travail infirmier (pour remonter un nouveau circuit) et du temps de non-épuration du patient… En effet, ces levées multiples d’alarme produisent un débit sanguin moyen-faible pendant lequel une ultrafiltration est réalisée élevant de ce fait la fraction de filtration (2).
Le « mode sécurité » est mis en œuvre à titre préventif ou dès la survenue d’une alarme, ayant requis deux suspensions d’alarme. On le conserve tant que la cause de l’alarme n’est pas clairement identifiée et que l’on est en mesure d’être correctif.
La suspension d’alarme n’est justifiée que si la cause de l’alarme est découverte et corrigée. Dans le cas contraire, il faut immédiatement passer la machine en « mode sécurité ». Il s’agit d’une procédure, idéalement définie en groupe lors de formations du personnel, qui consiste à arrêter tout transport convectif. On lui associe une réduction du débit sanguin si ce dernier est incriminé dans la genèse de l’alarme. Dans ce mode, la fraction de filtration est nulle et le circuit peut retrouver sa perméabilité compromise pendant que la solution optimale est recherchée.
Les techniques convectives, qui dépendent le plus du débit sanguin, sont les plus affectées par les anomalies de fonctionnement du cathéter. Son choix est donc essentiel. Les cathéters à double lumière sont plus efficaces que les multiperforés (3). L’inversion des voies est à proscrire absolument car elle réduit le débit et ne fait que retarder la perte du circuit en altérant la clairance.
L’EERR provoque la perte de dizaines de litres d’eau plasmatique. Toutes les substances dont l’élimination n’est pas souhaitable doivent être restituées au patient dans le liquide de substitution. Il est surprenant de constater que, même si la perte de potassium ou de phosphate correspond à une règle et non pas à un accident, des hypokaliémies et des hypophosphatémies sous EER surviennent encore. Il s’agit même d’un marqueur de qualité intéressant à suivre en réanimation. Les solutions de composition proche de celle de l’ultrafiltrat doivent être utilisées.
Alors que l’anticoagulation au citrate est connue depuis près de cinquante ans, elle ne connaît un vif succès que depuis quelques années pour deux raisons principales :
1) l’automatisation de son administration ;
2) l’accroissement des performances épuratives des membranes qui se contentent aujourd’hui de faibles débits sanguins.
Il s’agit aujourd’hui d’une anticoagulation à objectif de concentration qui réduit la dose administrée au strict nécessaire limitant ainsi la plupart des complications (4). Les récentes recommandations K-DIGO lui donnent la première place lors de la pratique d’une EERR (5).
* Université Paris-Descartes, service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital européen
Georges-Pompidou, Paris.
(1) Roberts DM et coll. Variability of antibiotic concentrations in critically ill patients receiving continuous renal replacement therapy: a multicentre pharmacokinetic study. Crit Care Med 2012;40(5):1523-8.
(2) Baldwin I, Bellomo R, Koch B. Blood flow reductions during continuous renal replacement therapy and circuit life. Intensive Care Med 2004;30(11):2074-9.
(3) Tal MG et coll. Comparison of side hole versus non side hole high flow hemodialysis catheters. Hemodial Int 2006;10:63-7.
(4) Morgera S et coll. A safe citrate anticoagulation protocol with variable treatment efficacy and excellent control of the acid–base status.
Critical Care Medicine 2009;37(6):2018-24.
(5) KDIGO Clinical Practice Guideline for
Acute Kidney Injury. Kidney International Supplements 2012;2(1):1-1. (http://www.theisn.org/acute-kidney-injury/education-by-topic/acute-kidn…
kdigo-clinical-practice-guideline-for-acute-kidney-injury/itemid-648).
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024