Avec 11 000 nouveaux cas et 4 000 décès en 2012, le cancer du rein est au 7e rang des cancers de l’adulte.
La majorité des cancers du rein diagnostiqués aujourd’hui sont des petites tumeurs solides rénales, définies par une taille de moins de 4 cm dans leur plus grande dimension en imagerie (échographie ou scanner en première intention), ce qui correspond au stade T1a. Ces cancers sont dans 60 % des cas de découverte fortuite, chez des patients asymptomatiques, parfois âgés. Ils sont le plus souvent localisés, non métastatiques, de faible grade et d’évolution lente. Mais, dans de 20 à 30 % des cas, ils sont de grade élevé et agressifs.
Toutes les petites tumeurs solides rénales ne sont pas des cancers: 20 à 30 % d’entre elles sont bénignes.
Le traitement de référence des petites tumeurs rénales solides est chirurgical (tumorectomie ou néphrectomie partielle, ouverte ou laparoscopique); celui-ci est grevé d’un taux non négligeable de complications (10 à 20 %), en particulier hémorragiques et urinaires, et peut paraître particulièrement invasif pour les 20 à 30 % de tumeurs solides bénignes.
Toutes ces données ont conduit à évaluer la place de traitements moins lourds, radiofréquence, cryothérapie et surveillance.
À l’exception des cas où l’imagerie fait un diagnostic de certitude d’un angiomyolipome, ce qui permet de s’affranchir des biopsies, la nouvelle approche évaluée se fonde sur la réalisation initiale de biopsies percutanées sous anesthésie locale et guidage tomodensitométrique. Elles permettent avec une fiabilité de 90 % de déterminer la nature de la tumeur : bénigne à type d’adénome oncocytaire ou d’angiomyolipome, ou maligne, en précisant alors le type histologique et le grade de Furhman.
La stratégie thérapeutique est ensuite discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) : néphrectomie en général partielle, qui reste le traitement de référence, traitement ablatif par radiofréquence ou cryothérapie limité à des cas très précis, ou surveillance.
«Cette surveillance peut prendre deux formes, précise le Pr Éric Lechevallier. Une surveillance active, à l’instar de ce qui se fait dans le cancer de la prostate, où un traitement curateur est proposé au patient si la tumeur évolue. Cette attitude peut se discuter chez un patient jeune de moins de 65 ans ou un sujet âgé en bonne santé avec une tumeur de 1 à 2 cm de faible grade. En pratique, il s’agit plutôt d’un traitement différé de quelques mois pour raisons personnelles, en particulier chez le sujet jeune. Ou bien une surveillance abstention, discutée chez le sujet âgé très fragile (insuffisance rénale, maladie cardiovasculaire prise d’anticoagulants…)».
La discussion en RCP se fonde sur de nombreux paramètres, dont les facteurs de risque de progression que sont le sexe masculin, la complexité de la tumeur (la localisation centrale est d’évolution a priori plus rapide), le jeune âge du patient (la croissance tumorale est plus rapide), le type histologique et le grade de la tumeur.
Échographie tous les 6 mois
Les modalités mêmes de la surveillance ne sont pas établies et les questions sont nombreuses : que surveiller (diamètre ou volume tumoral par exemple) ? À quel rythme ? Quelle imagerie utiliser ? Quand intervenir ? Faut-il rebiopsier ?
«En l’absence de recommandations, la pratique actuelle est de faire une échographie tous les 6 mois et de surveiller le plus grand axe tumoral, note le Pr Lechevallier. Les études ont montré que la croissance d’une tumeur peu agressive est lente, de 0,3 cm/an. Une croissance au-delà de 0,5 cm/an impose une intervention ».
Cette stratégie a été évaluée dans une dizaine d’études, dont la série de Toronto qui a inclus plus de 200 patients depuis 2004 (1). Ces patients plutôt âgés (74 ans en moyenne) ont été suivis pendant 2 à 2,5 ans. La taille tumorale était de 2 cm en moyenne et la vitesse de croissance tumorale de 0,13 cm/an. Deux décès ont été rapportés, liés à des cancers probablement métastatiques au moment du diagnostic. Dans 30 % des cas, un traitement curatif a dû être proposé après deux ans de suivi, sans perte de chance pour le patient.
Des données similaires ont été rapportées dans une méta-analyse récente (2) de neuf études. Avec un recul moyen de 3 ans, le taux de traitement a été de 4 % à 30 %.
Ainsi, la surveillance des petites tumeurs solides rénales, idéalement tumeur unique, corticale, de grade de Furhman 1 ou 2, constitue une alternative à la chirurgie chez des patients fragiles. Cette stratégie relève d’une discussion en RCP, au sein d’une équipe entraînée.
(1) Jewett MA et al. Eur Urol 2011;60:39-44
(2) Borghesi M et al. International Journal of Urology 2015;22:432-38
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