DE NOTRE CORRESPONDANT
Dans certaines espèces animales, le mâle adopte des comportements différents en période de mating (développement de la musculature, de la libido, agressivité à l’égard des concurrents) et lors du parenting (élevage partagé des petits avec la femelle). On a suggéré que les taux de testostérone (T) pourraient être le médiateur de cette adaptation du comportement. Il existe des arguments indirects à l’appui de cette hypothèse dans l’espèce humaine, mais aucune étude n’a jusqu’ici exploré ce phénomène de manière longitudinale, c’est-à-dire en mesurant l’évolution des taux de l’androgène chez des hommes célibataires qui font, plus tard, des enfants.
L’étude de Christopher W. Kuzawa et coll. a porté sur une cohorte (tirée du Cebu Longitudinal Health and Nutrition Survey) de 624 hommes philippins (âge moyen de 21,5 ans en 2005 et de 26 ans en 2009) ayant répondu à un questionnaire et chez qui la T salivaire a été mesurée au réveil (AM) et avant le coucher (PM) aux deux périodes considérées. Les auteurs se sont intéressés à la sous-population des hommes qui étaient célibataires et sans enfants en 2005 (n=465).
Ils font plusieurs constatations. D’abord, les célibataires sans enfants ayant les taux de T AM les plus élevés au début de l’étude ont plus de chances de devenir des pères que les autres (odd ratio=1,21, p=0,048). Ensuite, on observe, chez les hommes qui ont un ou des enfants en 2009, une diminution plus forte des taux de T AM (-26 % en moyenne) et PM (-34 %) entre 2005 et 2009, par rapport aux hommes célibataires et sans enfants en 2009 (-12 % et -14 %, respectivement). Les effets des changements de statut (de célibataire à père) ne sont pas affectés par le degré de stress psychosocial ou la qualité du sommeil.
Par ailleurs, les hommes ayant un nouveau-né (âge de un mois ou moins) en 2009 ont une réduction significativement plus importante de la T AM (p=0,023) et de la T PM (p=0,003) que ceux dont l’enfant le plus jeune a un an ou plus. Enfin, parmi les hommes devenus pères en 2009 (n=312), ceux qui, d’après le questionnaire, estiment s’occuper de leur enfant pendant 1 à 3 heures par jour ont des concentrations de T matinale significativement plus basses que les pères concédant ne pas s’en occuper.
Situation stable, famille.
L’étude philippine apporte pour la première fois des arguments convaincants, en raison de son caractère longitudinal, à l’hypothèse d’une adaptation des concentrations en testostérone lors de la paternité. L’hormone androgène semble prédictive du « devenir père » puisque ses taux sont plus élevés chez les hommes de cette cohorte qui auront des enfants cinq ans plus tard, mais surtout, la testostérone salivaire s’abaisse de façon marquée et significative une fois que les hommes ont établi une relation stable et fondé une famille. Cette tendance peut s’expliquer par le fait que les comportements stimulés par l’hormone androgène (durant le mating) risquent d’entrer en contradiction avec les besoins du parenting. Ces travaux suggèrent que les mâles, dans l’espèce humaine, possèdent une architecture neuroendocrine flexible, capable de répondre aux besoins d’adaptation du comportement lorsque l’homme devient père, et renforcent l’idée d’une participation directe des hommes aux soins des jeunes enfants dans l’évolution des homininés.
ChW Kuzawa et coll. Longitudinal evidence that fatherhood decreases testosterone in human males. Proc Natl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.
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