L’étude CKD-Rein

Un projet ambitieux dans les starting-blocks

Publié le 21/04/2011
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Crédit photo : Biobanque de picardie

LE LANCEMENT de l’étude CKD-REIN (Chronic Kidney Disease- Réseau Épidémiologie et Information en Néphrologie) est en soi un petit événement pour le monde de la néphrologie : en effet, jamais jusque-là en France, n’a été conduite une étude de cohorte de cette ampleur (3 600 patients inclus) dans le domaine de la maladie rénale chronique. « Ce projet constitue une plateforme de recherche unique qui va permettre de répondre aux besoins des pouvoirs publics, des cliniciens, des chercheurs et des industriels » souligne le Dr Bénédicte Stengel, coordinatrice du projet. « Cette étude à grande échelle permettra de positionner la France au meilleur niveau de la recherche internationale et d’optimiser les politiques de santé publique et les pratiques médicales, la finalité étant l’amélioration de l’état et de la qualité de vie des patients », poursuit le Dr Stengel, qui est directrice de recherche à l’Inserm (Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, unité mixte de recherche 1018, Université Paris-Sud).

Douze partenaires institutionnels.

Le projet a été retenu à la suite de l’appel à projet « cohortes » lancé par le gouvernement dans le cadre du Grand Emprunt. Coordonnée par l’université Paris-Sud, l’étude CKD-REIN est pilotée par douze partenaires institutionnels dont l’Inserm, l’Agence de la biomédecine, plusieurs universités et CHU répartis sur le territoire, le centre national de génotypage d’Évry, et un partenaire américain, Arbor Research. « Il est important de souligner le caractère multidisciplinaire du projet, qui réunit des néphrologues, des épidémiologistes, des économistes de la santé et des experts en génomique et en protéomique », indique le Dr Stengel.

La coordinatrice rappelle aussi, en s’appuyant sur les données du registre national REIN, qu’aujourd’hui en France, 70 000 patients, soit un peu plus d’une personne sur 1000, sont traitées pour une insuffisance rénale terminale, dont un peu plus de la moitié (54 %) est dialysée, les autres ayant reçu une greffe rénale. « Chaque année, plus de 9 000 patients commencent une dialyse, dont un tiers dans un contexte d’urgence, c’est-à-dire insuffisamment préparés quels qu’en soient les motifs », indique-t-elle. « Un des objectifs de l’étude sera de savoir comment prévenir ces atteintes rénales majeures et éviter les dialyses en urgence. Un autre grand volet de l’étude sera l’évaluation et la prévention des multiples complications de la maladie rénale, telles que les atteintes cardio-vasculaires et osseuses ou la baisse des défenses immunitaires, dont on commence à mesurer la précocité et le retentissement à long terme sur d’autres organes que le rein ».

L’étude visera donc en premier lieu à étudier l’impact d’un ensemble de facteurs psychosociaux, environnementaux et génétiques et leurs interactions sur le pronostic de la maladie et ses complications. « Nous allons mesurer l’effet de ces facteurs de risque, mais aussi comparer les pratiques et les modes d’organisation des soins entre la France et plusieurs autres pays, pour identifier ceux qui sont les plus efficients pour ralentir l’évolution de la maladie », explique le Dr Stengel.

Un second volet de l’étude reposera sur le prélèvement de divers échantillons biologiques qui seront centralisés et conservés par la bio-banque de Picardie. « Cela nous permettra de mener des recherches sur les tests diagnostiques ou pronostiques de demain. Aujourd’hui, il n’existe pas véritablement de marqueurs permettant d’identifier précocement les patients à haut risque de progression rapide de la maladie », indique le Dr Stengel, en précisant que cette bio banque sera accessible aux équipes de recherche après validation des projets par le conseil scientifique de CKD-REIN.

3 600 patients suivis pendant au moins 5 ans.

En pratique, 3 600 patients vont être invités à participer à l’étude dans cinquante consultations de néphrologie ou réseaux de soins de tout le territoire, en garantissant la représentativité des modes de pratique, publique, privée, universitaire et non universitaire. « L’objectif est d’avoir un échantillon le plus représentatif possible des patients suivis en néphrologie qui, à l’inclusion, ne seront ni dialysés, ni greffés. Le recrutement concerne des patients avec une maladie rénale chronique, au stade 3 ou plus avec un débit de filtration glomérulaire inférieur à 60 mL/minute pour 1,73 m2 de surface corporelle », précise le Dr Stengel. Ces patients seront suivis depuis le diagnostic et pendant au moins cinq ans, jusqu’à l’entrée en dialyse et au-delà, si celle-ci est débutée durant l’étude. « C’est un des grands intérêts de ce projet. En général, les études de ce type s’arrêtent au moment de l’entrée en dialyse, alors que nous allons pouvoir aller au-delà. C’est tout l’intérêt de notre mode d’organisation et du lien avec le registre REIN. Une partie du suivi, en effet, sera faite en lien avec ce registre », indique le Dr Stengel.

La coordinatrice espère que l’inclusion des 3 600 patients pourra être réalisée dans un délai d’un an. « Pour l’instant, nous n’avons pas tous les financements nécessaires. Si nous arrivons à avoir suffisamment d’attachés de recherche clinique (ARC) la première année, nous pourrons tenir ce délai. Ensuite, nous envisageons de communiquer nos premiers résultats vers la fin 2013 ».

D’après un entretien avec le Dr Bénédicte Stengel, coordinatrice du projet CKD-Rein, directrice de recherches Inserm-Université Paris-Sud.

ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes