Alors que de plus en plus de centres hospitaliers se dotent d'entrepôts de données et de système de collecte des données médicales, la Haute Autorité de santé (HAS) plaide dans un rapport pour une stratégie nationale de standardisation.
Mis en place depuis la fin des années 2000, les entrepôts de données de santé hospitaliers (EDSH) font l'objet d'un intérêt croissant dans les établissements hospitaliers, notamment grâce à des financements nationaux. Schématiquement, il s'agit de dépôts intégrant les données administratives et médicales des patients admis dans un ou plusieurs hôpitaux. L'AP-HP dispose par exemple d'un entrepôt de données centralisé pour tous ses établissements.
Pour un organisme comme la HAS, l'accès à ses entrepôts est un enjeu crucial pour améliorer sa capacité à évaluer en vie réelle des médicaments, des actes médicaux et des parcours de soins. Mais encore faut-il qu'il y ait une uniformité entre les EDSH, les types de données qui y sont stockées ou même la forme que prennent ces dernières.
Une première cartographie nationale
Les auteurs du rapport ont réalisé la première cartographie des données hospitalières de France, en auditant les responsables de 22 entrepôts, dont 17 constitués au sein d'un CHU et cinq au sein d'un autre type d'établissement de santé. Sur les 22 établissements interrogés, 18 ont déjà des programmes de recherche en cours qui exploitent les données stockées dans leurs EDSH.
S'ils présentent tous un « socle commun » (comptes rendus hospitaliers, résultats d'examens biologiques, prescriptions), le format et la construction des bases restent très hétérogènes. Ce manque d'interopérabilité a des conséquences très concrètes : « On va connaître le résultat d’un examen de biologie, mais on ignorera la raison pour laquelle l’examen a été fait », illustre Matthieu Doutreligne, l'un des membres de la mission data de la HAS. Autre exemple : des hôpitaux ayant potentiellement des patients en commun, comme les CHU de Montpellier et de Marseille, n’utilisent pas les mêmes formalisations de données. « La structuration des bases de données dépend de l'usage qui en est fait, précise Pierre-Alain Jachiet, co-auteur du rapport. Qu'il s'agisse de recherche, pilotage, d'organisation des soins, d'évaluation ou encore d'amélioration du système informatique hospitalier. »
En ce qui concerne les moyens alloués aux EDSH, là encore, les écarts sont énormes : entre 0,5 et 70 équivalents temps plein sont consacrés au fonctionnement des entrepôts de santé. « Il faudrait que l'on sorte des financements par projet pour adopter un modèle de financement plus pérenne, explique Mathieu Doutreligne. Dans le cadre de financement par projet, on parvient à rengager de jeunes ingénieurs mais pas à les garder. Les ingénieurs expérimentés, les hôpitaux ne parviennent pas à les recruter. »
La HAS recommande la constitution d'équipes dédiées à l'EDSH au sein de chaque établissement, et composées d'un coordinateur médical et de spécialistes en santé publique, bio-informatique, statistiques, ingénierie de données ou encore en développement logiciel.
Un appel à projets national pour harmoniser les pratiques
Les auteurs du rapport espèrent que la situation va évoluer sous l'effet de la consolidation de l'écosystème des EDSH, au travers de dynamiques de collaboration inter-CHU et de l'appel à projets du ministère de la Santé et de la Prévention opéré par la Plateforme des données de santé. À ce titre, ils jugent utile la mise en place d'une gouvernance à trois niveaux, à la fois locale, interrégionale et nationale.
Le rapport insiste sur la transparence des données, de leur transformation, leur stockage et leur analyse. Cela présuppose que les codes sources utilisés soient en open source, ce qui a en outre l'avantage de faciliter la reproductibilité des travaux de recherche, et la mutualisation des efforts entre projets et entre EDSH.
Autres gros enjeux pour la HAS : l’appariement entre les données des EDSH et les données médico-administratives du système national de données de santé (SNDS). Dans un avenir plus lointain, l'ajout des données de ville permettrait d'avoir une vision complète sur le parcours des patients et leur prise en charge.
Deux projets en cours de préparation
La HAS a entrepris deux projets visant à tester l'apport des données des EDSH : un travail de contextualisation et d'évaluation des actes médicaux innovants d'une part, et le développement d'indicateurs de qualité et de sécurité des soins d'autre part calculés automatiquement à partir des EDSH en lieu et place du travail manuel mené actuellement.
La HAS estime qu'un tel processus ouvrirait la voit à un recueil plus exhaustif et plus fréquent des indicateurs pour un établissement donné. Rappelons que la HAS a mis en ligne, en juin dernier, l'outil QualiScope pour fournir au grand public un moyen de s’informer sur le niveau de qualité et de sécurité des soins dans tous les hôpitaux et cliniques de France.
« Nous travaillons également sur le langage, et le traitement automatique du langage, ajoute Pierre-Alain Jachiet. La HAS réalise ses enquêtes auprès de patients avec des commentaires libres. Nous mettons au point un outil d'analyse automatisé de ces commentaires libres. »