Provocations et mensonges d'un candidat

Trump fait de la résistance

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Publié le 25/09/2020
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Le président Donald Trump risque fort de ne pas être réélu le 3 novembre prochain, mais il dispose d'un noyau dur de l'électorat qui rend la course incertaine. Or, sans une déroute du parti républicain, la victoire de Joe Biden sera contestée et plongera les États-Unis dans la confusion.
Trump en campagne

Trump en campagne
Crédit photo : AFP

Rien ne convient mieux à ce président sortant que la confusion qu'il a créée dans l'opinion américaine par ses mensonges éhontés, par la falsification de son bilan, par ses attaques venimeuses contre les démocrates et par le portrait sinistre qu'il dresse de Joe Biden. Sa stratégie est simple, directe, à la mesure de la fraude immense qu'il a nourrie pendant quatre ans de ses déclarations à l'emporte-pièce : il promet, avec Biden au pouvoir, l'Amérique en guerre civile qu'il a lui-même créée. Il décrit un avenir sombre, tout entier, en réalité, contenu dans le présent. Il raconte un récit effroyable qu'il a écrit lui-même. Il prétend que, s'il est battu, c'est que le scrutin aura été fraduleux, celui-là même qu'il met en place en ce moment, en rejetant le vote par correspondance, très utilisé par l'opposition, et en déclenchant contre la démocratie un procès infamant destiné à créer une situation assez grotesque pour que la justice doive désigner le vainqueur. Le remède à la pandémie politique qu'il a délibérément causée ne ferait qu'aggraver le mal et porter aux institutions un coup fatal dont le pays ne se relèverait pas.

Biden a besoin d'un raz-de-marée

Au delà des analyses d'experts, on avait le droit d'espérer qu'ayant fait l'expérience d'un mandat aux conséquences accablantes, les Américains finiraient par rejeter Trump sans autre forme de procès. Mais il ne suffira pas que Joe Biden obtienne une majorité en voix populaires ou en voix de Grands Électeurs. Il lui faudrait en fait un raz-de-marée, une avance si considérable que les néo-fscistes qui soutiennent Trump perdent enfin leur dernier espoir et qu'ils se résignent à la victoire de Biden pour éviter une sorte de guerre de sécession numéro deux qui, elle, se livrerait dans le sang puisque les armes aux mains des citoyens n'ont jamais été aussi nombreuses et meurtrières. 

Le vrai problème de l'opposition n'est ni le nombre de ses votants ni la passion avec laquelle ils s'apprêtent à éliminer un candidat prêt à faire du régime politique une sorte de farce permanente, un grand guignol, une pantalonnade de république bananière. Il est que, depuis à peu près quatre ou cinq mois, l'avance de Biden sur Trump n'a pas progressé. La moyenne des sondages accorde à l'ancien vice-président de Barack Obama huit points d'avance sur le président sortant. Biden a besoin du double. Il a besoin, plus que d'une victoire, d'un triomphe. Il doit laisser le camp Trump prostré, inerte et sans voix. Il doit tuer dans l'œuf toute velléité de contestation. Aux États-Unis, ce ne sont pas les élus qui ont apporté le progrès social et les progrès en général : c'est la justice. George W. Bush a moins été élu il y a  vingt ans par les électeurs de Floride que par la Cour suprême. Celle-ci, pourtant, n'exerce son pouvoir que lorsque le système politique devient inefficace. Il n'y a aucune raison de confier à neuf juges, fussent-ils prestigieux, le résultat d'un scrutin auquel ont participé plus de cent millions d'électeurs. 

Il faut rappeler que si Hillary Clinton, en 2016, a perdu le Collège électoral, elle a remporté le vote populaire avec trois millions de voix de plus que Trump, que la victoire lui a donc été volée par un système dont la méfiance des Pères fondateurs à l'égard du peuple a faussé le résultat. Certes, on ne peut pas reconnaître la vigueur des institutions aux États-Unis et se plaindre ensuite des injustices qu'elles produisent. Mais Trump n'est pas n'importe quel adversaire. C'est un criminel, et je pèse mes mots, qui, n'importe où ailleurs, serait déjà en prison. Un homme qui n'a jamais publié ses déclarations d'impôts ; qui a comploté avec des pays étrangers pour diffamer Joe Biden ; qui traîne une série de procès pour procédures abusives dans l'immobilier et pour agressions sexuelles ; un menteur invétéré dont les milliers de propos fallacieux sont répertoriés par le New York Times. Trump est le candidat de l'immoralité, du cynisme, de la subornation, de l'ignorance, de la paresse. La question n'est pas de savoir qui est Biden. La question est de savoir qu'avec Trump, c'est la fin de la plus grande démocratie.   

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin