« Changer le regard sur Parkinson », c’est le credo commun du Dr Tanneguy Raffray, marin aguerri, et de Bertrand Delhom, ancien moniteur de voile atteint de la maladie. Une aventure humaine partagée par les dix membres d’équipage du Neptune. L’un des 14 monocoques qui ont largué les amarres le 10 septembre au départ du Royaume-Uni pour l'Ocean Globe Race 2023. Une course de huit mois autour du monde - dans l’esprit de la célèbre Whitbread 1973 – en quatre étapes. En escale à Auckland (en Nouvelle-Zélande) peu avant de reprendre le large, pour Punta Del Este (Uruguay), le Dr Raffray raconte au Quotidien la genèse du projet « Neptune-Gagner avec Parkinson ».
Rêves partagés
Une traversée sur les mers les plus dures entre les quarantièmes rugissants de l’océan Indien et les cinquantièmes hurlants du Pacifique. Ce n’est pas une mince affaire. C’est pourtant ce que Bertrand Delhom Finistérien et marin a voulu expérimenter. À tout prix. Malgré des problèmes de santé invalidants et douloureux. Il avait déjà tenté sa chance auprès d’Éric Tabarly pour la légendaire course Whitbread de 1984. Sans succès… Mais quarante ans plus tard bingo ! Car Tanneguy Raffray partage le même rêve. Le praticien a déjà plusieurs navigations à son actif. Mais l’Ocean Globe Race est sa première course de 27 000 miles (quelque 50 000 kilomètres). Ophtalmo désormais retraité et porteur du projet Neptune, le Dr Tanneguy Raffray est lui-même particulièrement sensibilisé à la maladie de Parkinson à travers deux de ses proches. Le skipper du Dieu des mers a embarqué Bertrand Delhom dans l’aventure préparatoire de la course, dont l’arrivée est prévue en avril. À Southampton comme pour le départ. Ainsi, le projet initial est devenu « Neptune-Gagner avec Parkinson ».
Autonomie totale
Ainsi formé, le binôme marin, médecin et patient parkinsonien, n’a de cesse, de rendre visible, la cause des malades atteints de troubles neurodégénératifs. À travers podcasts et réseaux sociaux. Mais uniquement lors des escales ! Car l’Ocean Globe Race se fait à l’ancienne. Sans assistance météo, ordinateurs ou téléphones. Bref, en autonomie complète. Alors Bertrand Delhom a suivi, neuf mois durant, un entraînement intensif physique et mental. « Il a appris à gérer par lui-même symptômes et traitements et s’est formé à l’autohypnose pour gérer la douleur… Il ne se plaint jamais ! Bertrand s’occupe de toute la logistique du bord. Ce qui contribue au moral des troupes ! Bertrand prend ses quarts, participe à la veille… Il occupe une place prépondérante parce qu’il apporte sa flamme », observe le médecin skipper.
« Qui ose vivra ! »
Aller de l’avant pour se surpasser, c’est le message d’espoir que Bertrand Delhom tient à faire passer aux quelque 8,5 millions de personnes atteintes de Parkinson au niveau mondial (chiffres 2019 de L’OMS). Plus largement, aux patients souffrant de maladies neurologiques. Et d’insister, à l’instar du médecin skipper et de tout l’équipage du Neptune, sur les performances possibles d’un collectif varié et inclusif. Mieux que personne, Bertrand Delhom incarne, la fière devise « Qui ose vivra ! », imprimée sur les voiles du Neptune. « Parkinson est la cerise de mon mille-feuille médical », résume-t-il sur son compte LinkedIn. Car, atteint, depuis l’âge de seize ans, de dystonie cervicale, opéré d’une tumeur pancréatique, amputé d’un membre inférieur, c’est le diagnostic de Parkinson qui couronne le tout, en 2021. Bertrand Delhom refuse de subir cette maladie neurodégénérative et choisit de se battre à travers le sport. Le marin prône l’activité physique afin de limiter l’accélération et l’aggravation des symptômes de la maladie. Difficile de résister au « bon vent » si galvaudé mais qui prend tout son sens pour l’équipage du Neptune !