Des liens renforcés entre cardiologues et diabétologues

Un nouveau souffle pour l’insuffisance cardiaque

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Publié le 25/03/2021
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Fréquente chez les diabétiques, notamment ceux à haut risque cardiovasculaire, l’insuffisance cardiaque reste pourtant insuffisamment dépistée. Plus que jamais, une étroite collaboration entre diabétologue et cardiologue est importante.

Maladie coronaire, HTA, atteinte microvasculaire, anomalies du métabolisme myocardique secondaires à l’insulinorésistance et l’activation neuro-hormonale : la physiopathologie de la « cardiomyopathie diabétique » est multifactorielle

Maladie coronaire, HTA, atteinte microvasculaire, anomalies du métabolisme myocardique secondaires à l’insulinorésistance et l’activation neuro-hormonale : la physiopathologie de la « cardiomyopathie diabétique » est multifactorielle
Crédit photo : phanie

Le diabète de type 2 (DT2) et l’insuffisance cardiaque (IC) sont deux maladies chroniques fréquentes, qui partagent plusieurs facteurs communs comme l’âge et l’obésité. Leur association n’est donc pas rare, ce d’autant que le DT2 est un facteur de risque d’IC, tant à fraction d’éjection préservée (ICFEp) qu’à fraction d’éjection réduite (ICFEr). On estime que la prévalence de l’IC chez les diabétiques autour de 65 ans avec antécédents cardiovasculaires se situe entre 10 et 15 %, et que son incidence annuelle oscille entre 1 et 2 %. Inversement, 30 à 40 % des patients ayant une IC, quel qu’en soit le phénotype, ont un DT2.

L’association IC-DT2 a de plus un impact péjoratif sur le pronostic. Alors que le dépistage d’une cardiopathie ischémique reste la préoccupation principale chez les DT2, l’IC est la complication cardiovasculaire ayant l’impact le plus délétère sur le pronostic. De même, le DT2 chez l’insuffisant cardiaque est associé à un plus mauvais pronostic.

Dosage du BNP et échocardiographie

Ces données soulignent donc bien l’importance du dépistage de l’IC en cas de DT2. Il faut évidemment explorer ce diagnostic face à une symptomatologie évocatrice, telle qu’un essoufflement ou des œdèmes des membres inférieurs ; mais, même en l’absence de symptômes, il faut y penser chez les DT2 à risque, notamment ceux ayant des antécédents d’infarctus du myocarde, de fibrillation atriale, d’hypertension artérielle, de néphropathie ou encore d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs et de pied diabétique. Dans ces sous-groupes de patients à risque, il est licite de faire un dépistage par un dosage du BNP ou de NT pro-BNP, en se rappelant que les seuils sont souvent moins élevés chez les sujets obèses que dans la population tout-venant ; lorsque les concentrations sont anormales, le recours au cardiologue et la réalisation d’une échocardiographie permettra de confirmer et de caractériser le dysfonctionnement cardiaque. « Les patients diabétiques ayant des antécédents cardiovasculaires sont généralement déjà suivis par un cardiologue, mais parfois le suivi peut s’estomper au fil des années et il est important de les considérer comme des patients à haut risque, et les réadresser si nécessaire au correspondant cardiologue », souligne le Pr Richard Isnard, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Une évolution avec les gliflozines

L’arrivée des gliflozines marque une évolution dans la prise en charge des diabétiques à haut risque. Toutes les études convergent pour souligner leurs bénéfices sur le risque de décès et d’événements cardiovasculaires, sur la progression de l’IC et de la maladie rénale [lire aussi p 11 à 13]. Cette nouvelle classe thérapeutique va également venir enrichir l’arsenal thérapeutique de l’ICFEr, quel que soit le statut diabétique, suite à l’AMM européenne délivrée il y a quelques mois dans cette indication. L’efficacité est additive à celle des traitements recommandés jusque-là. Ces molécules sont globalement bien tolérées, contrairement à de nombreux médicaments utilisés dans l’IC. Reste à mieux comprendre leurs mécanismes d’action.

Les nouvelles recommandations européennes, attendues pour l’été 2021, devraient préciser leur place à côté des trois piliers actuels du traitement de l’ICFEr que sont les inhibiteurs du système rénine angiotensine, les bêtabloquants et les antagonistes du récepteur minéralocorticoïde. « Il est vraisemblable que l’on recommande une quadrithérapie, en associant les gliflozines aux trois classes précédentes en première intention dans l’ICFEr », note le Pr Isnard, avant de préciser que des études sont en cours dans l’ICFEp.

Le recours aux gliflozines, qui agissent à la fois sur le trouble métabolique et sur l’insuffisance cardiaque, rend la collaboration entre médecins généralistes/ diabétologues/cardiologues encore plus importante, pour fluidifier le parcours de soins. Mais, surtout, il est essentiel de ne pas oublier le dépistage de l’IC chez ces DT2 à haut risque, chez lesquels l’attention s’était principalement focalisée depuis des années sur l’ischémie myocardique.

Exergue : L’IC est la complication cardiovasculaire ayant l’impact le plus délétère sur le pronostic

Entretien avec le Pr Richard Isnard, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr