La nouvelle terminologie de « syndromes de sensibilité réduite aux hormones thyroïdiennes », regroupe la classique résistance aux hormones thyroïdiennes par mutation du récepteur ß, les anomalies de désiodation, le défaut de signalisation du récepteur α et les anomalies de transport membranaire. Plus de 50 ans après sa première description, la résistance classique garde encore une part de mystère.
Un certain nombre de patients, ou familles, avec un tableau typique — T4 et T3 (libres ou totales) élevées et TSH non freinée — n’ont pas d’explication moléculaire, et sont classés parmi les cas douteux. Il est intéressant de reprendre les investigations chez eux, à l’heure des nouvelles technologies, plus sensibles et performantes.
Nous avons pu réétudier le cas d’une patiente déjà explorée par le passé. Lors du séquençage de nouvelle génération (NGS), est apparu un petit décalage de la ligne de base — pas un pic, au mieux une bosse (voir illustration) — en regard d’un pic correspondant à un nucléotide normal de la séquence du récepteur ß. Ce petit décalage, avec les techniques classiques, est noyé dans le bruit de fond et volontiers considéré comme un artéfact. Mais il a déjà été décrit des mutations de ce codon dans les résistances aux hormones thyroïdiennes et il s’agit d’un codon très conservé au cours de l’évolution des espèces. Nous avons pu montrer, avec des prélèvements tissulaires variés (peau, muqueuse jugale, culot urinaire, sang), que la patiente était porteuse de cette mutation en mosaïque, avec un pourcentage maximal de 15 % de cellules mutées.
Une proportion inconnue
On sait que le syndrome de résistance ß est dû à des mutations hétérozygotes du récepteur correspondant. Donc, 50 % de récepteurs mutés exercent un effet dominant négatif sur les récepteurs non mutés (perturbation de leur action). Ce cas pose plusieurs questions :
1. Quelle est la proportion minimale de récepteur muté nécessaire à un effet dominant négatif, c’est-à-dire une résistance ? Nous ne connaissons pas la proportion de récepteur mutant dans l’hypothalamus et ni dans l’hypophyse (lieu du rétrocontrôle) de cette patiente. Nous ne savons pas si la mosaïque observée (15 % d’ADN muté) correspond à 30 % de cellules hétérozygotes pour la mutation et 70 % de cellules homozygotes pour l’allèle normal, ou bien 15 % de cellules hémizygotes pour le mutant (délétion de l’allèle normal) et 85 % de cellules homozygotes pour l’allèle normal, ce qui reviendrait à considérer que, dans certaines cellules, éventuellement majoritaires dans l’hypothalamus et l’hypophyse, il y ait :
- Une absence de récepteur fonctionnel
- Un rôle d’un effet dominant négatif entre récepteurs ß et α
2. Plus prosaïquement : combien de cas, dont l’étude génétique a été rendue négative, relèvent de telles mosaïques ? Seule une reprise systématique des dossiers, sur demande des endocrinologues qui les ont adressés, pourra nous le dire.
Exergue : Un codon très conservé au cours de l’évolution des espèces qui subit un petit décalage
Service d’Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition, Centre de référence des maladies rares de la thyroïde et des récepteurs hormonaux, CHU d’Angers