Le lourd tribut au Covid-19

Une pandémie qui révèle le poids de l’obésité

Publié le 25/03/2021
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Maladie contagieuse ou métabolique ? Le Covid-19 est aggravé par l’obésité. Une raison supplémentaire de la faire reconnaître comme une maladie chronique à part entière, au même titre que le diabète de type 2.

Pro-thrombotique, pro-inflammatoire, etc. : il existe de nombreux liens physiopathologiques entre l’infection à Sars-CoV-2 et le surpoids

Pro-thrombotique, pro-inflammatoire, etc. : il existe de nombreux liens physiopathologiques entre l’infection à Sars-CoV-2 et le surpoids
Crédit photo : phanie

Depuis l’émergence du nouveau coronavirus Sars-Cov-2, également communément dénommé Covid-19 pour coronavirus disease 2019, le monde entier est confronté à une crise sanitaire sans précédent. L’augmentation rapide du nombre d’hospitalisations pour formes sévères de Covid-19 a entraîné une mise sous tension du système de soins hospitalier inédite. L’obésité est désormais incontestablement identifiée comme un facteur de risque de développer une forme sévère de Covid-19.

Plus de formes graves

Les soignants impliqués dans la prise en charge des patients hospitalisés pour des formes sévères d’infection par Covid-19 ont rapidement rapporté une forte prévalence de l’obésité, en particulier dans les unités de soins intensifs (USI). Il ne s’agit pas simplement du reflet de la collision de l’épidémie de Covid-19 et celle de l’obésité, mais d’une conséquence de celle-ci. Une étude menée au CHU de Lyon a permis de démontrer que les patients atteints d’obésité et de Covid-19 sont significativement (1,35 fois) plus nombreux à être hospitalisés, comparativement à la prévalence de l’obésité en population générale après ajustement selon des facteurs confondant importants tels que l’âge et le sexe (1). De plus, parmi les patients de réanimation, la prévalence de l’obésité chez les patients atteints de Covid-19 était deux fois plus importante que celle d’un groupe de patients-contrôle, hospitalisés en réanimation hors pandémie de Covid-19.

Moins bonne évolution en unité de soins intensifs

Au-delà du risque d’hospitalisation en USI, l’obésité est un facteur de risque d’évolution péjorative des patients admis. Plusieurs études menées à partir des données de patients hospitalisés en USI ont rapporté une augmentation linéaire et significative du risque d’intubation-ventilation mécanique (IVM) avec l’augmentation de l’IMC.

Cet impact péjoratif de l’obésité semble se surajouter à d’autres facteurs de risque de formes sévères de Covid-19, tels que le diabète de type 2 (DT2). L’étude française Coronado, menée à partir des données de patients atteints de DT2, rapporte un risque environ deux fois plus important d’IVM au 7e jour d’hospitalisation chez les patients présentant à la fois DT2 et obésité. Dans ce travail, il n’a pas été relevé d’association significative entre obésité et mortalité, possiblement par manque de puissance statistique.

D’autres données sont en faveur d’un surrisque de mortalité, associé à l’obésité. Une large étude française, menée à partir des données de 5 795 patients hospitalisés pour Covid-19 à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, rapporte une mortalité significativement, deux fois, plus importante chez les patients atteints d’obésité (2). Ces données sont corroborées par plusieurs autres études ainsi que par une métaanalyse, rapportant un risque de mortalité deux fois plus élevé chez les sujets atteints d’obésité comparé aux sujets sans obésité.

Un retentissement majeur de santé publique

De nombreux mécanismes physiopathologiques peuvent expliquer le lien entre l’obésité et les formes sévères de Covid-19. Ils englobent des altérations pulmonaires, la surexpression des récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2, l’augmentation de facteurs pro-thrombotiques et pro-inflammatoires ainsi qu’une altération de la réponse immunitaire et possiblement du microbiote intestinal (3).

Le lien fort entre l’obésité et les formes sévères de Covid-19 démontre que l’obésité est une maladie chronique avec des conséquences majeures en termes de santé publique. L’ensemble de la communauté médicale et scientifique experte de l’obésité œuvre pour qu’elle soit enfin reconnue comme une pathologie chronique, qui nécessite des moyens de prise en charge adaptés, au même titre que d’autres maladies métaboliques telles que le DT2.

Exergue : L’ensemble de la communauté médicale et scientifique experte de l’obésité œuvre pour qu’elle soit enfin reconnue comme une pathologie chronique en tant que telle

 

Département endocrinologie, diabète et nutrition, Hôpital Lyon Sud, Hospices Civils de Lyon, Univ. Claude Bernard, CarMen Laboratory, Inserm, Inra, Insa, Lyon 

(1) Caussy C et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2020;8(7):562-4 

(2) Czernichow Obesity (Silver Spring). 2020;28:2282-9

(3) Caussy C Med Mal Metab 2021; 15 in press

 

Dr Cyrielle Caussy
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Source : lequotidiendumedecin.fr