Près de 2 000 généralistes libéraux ont répondu à l’étude BOUM du Dr Julia Eismann sur le burn-out. Les résultats de ce travail d’une envergure inédite, que Le Généraliste dévoile aujourd’hui, montre des chiffres inquiétants sur l’état de santé des médecins de famille dont 4,8 % sont en burn-out sévère. Il met aussi clairement en évidence comment ils peuvent se protéger de la surchauffe professionnelle.
Les professions de santé sont particulièrement exposées à l’épuisement professionnel, et l’étude BOUM (burn-out chez les médecins), travail de thèse du Dr Julia Eismann menée auprès de 2 000 généralistes libéraux (lire p. 11), le démontre une nouvelle fois. 44,7 % des médecins de famille interrogés présentent un type de burn-out, dont 4,8 % une forme sévère.
Mais au-delà de ces chiffres inquiétants, l’étude met en avant les facteurs qui protègent les généralistes. Le burn-out n’est donc pas une fatalité.
S’il fallait dresser le portrait-robot du médecin « bouclier » contre le burn-out, sa première caractéristique serait le sexe. En effet, les femmes apparaissent moins touchées – 3,4 % souffrent de burn-out sévère contre 6,2 % des hommes. Elles sont 59 % à s’en trouver préservées, sept points de plus que leur homologues masculins (51,9 %). L’explication ? Même si elles sont plus soumises au stress, les généralistes femmes parviennent mieux à équilibrer vies de famille et professionnelle.
Pour vivre mieux, travailler à deux (ou plus)
Plus globalement, les généralistes apparaîssent protégés par tout ce qui rompt leur isolement. Parmi les sondés, ceux qui exercent en cabinet de groupe sont moins touchés que les autres, avec une absence de burn-out chez 58,4 % d’entre eux. Ils sont 3,6 % à souffrir d’une forme sévère contre 6,7 % pour ceux travaillant seuls.
La présence d’un secrétariat – sur place ou à distance – représente également un facteur légèrement protecteur. Au-delà de la question de l’isolement, on peut y voir un atout en termes d’organisation du travail et le rôle de « filtre » que peut parfois opérer le ou la secrétaire.
Tout comme la présence de collègues ou d’employés, l’accueil de stagiaires est un bienfait pour le praticien. Atout supplémentaire pour le recrutement des futurs maîtres de stage des universités (MSU), l’étude BOUM met en évidence qu’ils sont assez significativement moins touchés par le burn-out. 63,1 % d’entre eux sont épargnés et seulement 2,8 % sont frappés de façon sévère.
Déjà en 2014, une thèse d’Alice Regnault et Adrien Renzo montrait une moindre prévalence du burn-out chez les MSU de la faculté d’Angers, comparée à celle de la population générale des généralistes. Leur étude pointait l’influence bénéfique d’un stagiaire sur deux principaux versants : l’épuisement émotionnel et surtout l’accomplissement personnel – par ailleurs outils de mesure du degré du burn-out.
De l’importance de la visite à domicile
Fait étonnant, les visites à domicile, taxées de chronophages par tant de médecins, font aussi partie de la panoplie anti-déprime. Les chiffres de l’étude parlent d’eux-mêmes. 4,1 % des généralistes qui en réalisent souffraient de burn-out sévère contre 11,3 % de ceux qui n’en font pas. « Ces déplacements induisent un changement de rythme. On casse la routine du cabinet et des consultations à la chaîne», explique le Dr Eismann. Le généraliste va aussi « approfondir les rapports humains avec ses patients en étant confronté à leur quotidien ».
À côté des facteurs qui plaident pour une sortie de l’isolement des généralistes, l’exercice en milieu rural semble étonnamment plus protecteur contre le burn-out que l’exercice en milieu urbain ou semi-rural (respectivement 2,1 %, 4,2 % et 7,1 % de burn-out sévère). Mais le Dr Eismann précise que ce résultat surprenant s’explique probablement en partie par l’ « imprécision de la définition des différents milieux d’exercice ». En effet, les catégories officielles définies par l’Insee ne prennent pas en compte l’offre hospitalière et de spécialistes à laquelle peut avoir accès l’omnipraticien, explique le Dr Eismann.
Les choix d’exercice des généralistes ont donc une influence majeure sur leur état de santé au travail. Mais parallèlement à cela, l’étude démontre aussi l’impact de la gestion de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. En effet, la pratique d’une activité sportive et/ou de loisirs est un facteur protecteur. Les généralistes qui prennent des congés pour lutter contre le stress sont aussi moins nombreux à être touchés par une forme sévère de burn-out.
