Tous les hommes ne sont pas égaux face au cancer de la prostate et certaines populations nécessitent une approche particulière. C’est le cas notamment des sujets jeunes, comme l’a expliqué le Dr Arthur Peyrottes (hôpital Saint-Louis, Paris) lors du congrès.
Les sujets jeunes plus exposés
La question de savoir ce qu'est un sujet « jeune » lorsqu'on parle du cancer de la prostate reste complexe. En France, le diagnostic est posé à un âge médian de 69 ans. Le risque de développer un cancer de la prostate augmente avec l'âge. « Si, chez les moins de 30 ans, le risque est d’environ 5 %, il atteint près de 60 % après 79 ans », souligne le Dr Peyrottes. Sur cette base, « la notion d'“âge jeune” reste floue, se situant quelque part entre 30 et 45-50 ans ». En se référant aux principales études sur le dépistage, telles PLCO ou ERPC, il est possible de donner une réponse plus précise. Pour le Dr Peyrottes, ces études suggèrent que l'âge de début du dépistage, souvent entre 45 et 50 ans, peut être considéré comme une référence pour définir ce qu'est un « sujet jeune » dans le cadre du cancer de la prostate.
Ces patients « ont un plus fort risque de développer des formes agressives de la maladie. Il existe également une probabilité plus élevée qu'ils aient une histoire clinique particulière ou un syndrome oncogénétique prédisposant sous-jacent, ce qui peut influencer le pronostic », explique l’urologue.
Par conséquent, « vu leur jeune âge, ces hommes requièrent une approche thérapeutique équilibrée entre une efficacité maximale et des effets indésirables minimaux ». En attendant une littérature plus robuste mais déjà prometteuse sur l’efficacité oncologique des traitements focaux dans cette population particulière, deux interventions thérapeutiques standards sont disponibles : la prostatectomie et la radiothérapie. En cas de prostatectomie, dans le cas d’une maladie agressive chez un patient jeune, la question se pose de savoir s'il est pertinent de proposer une intensification médicamenteuse périopératoire. « C’est un espoir chez ces hommes jeunes qui pourraient être de bons candidats », estime le Dr Peyrottes. Deux essais sont en cours, dont l’étude Proteus qui compare une stratégie associant, en périopératoire, hormonothérapie de 1re génération + apalutamide (inhibiteur sélectif du récepteur aux androgènes) versus hormonothérapie de 1re génération + placebo. Un autre essai, français, Sugar, étudie l'impact du darolutamide avant et après chirurgie.
Le poids de l’histoire familiale
Autre population spécifique : les hommes présentant un haut risque de cancer de la prostate (risque supérieur à 25 % au cours de la vie). Il s’agit de ceux ayant des antécédents familiaux, une ascendance afro-antillaise ou porteurs de mutations germinales pour des gènes favorisant le cancer de la prostate (ATM, BRCA1, BRCA2, CHEK2, HOXB13, MSH2, PALB2). Comme l’a souligné le Pr Romain Mathieu (service d'urologie, CHU Pontchaillou, Rennes), « les hommes concernés sont plus nombreux qu’on ne le croit : jusqu'à 57 % des hommes avec un cancer de la prostate ont des antécédents familiaux (plus de 90 % en Guadeloupe) et une proportion importante en Île-de-France sont d'origine afro-antillaise, tandis que 11-12 % des patients présentant des métastases au diagnostic et près de 5 % pour les formes localisées sont porteurs de mutations génétiques associées à la maladie ». L’histoire familiale est un facteur déterminant de cancer de la prostate, avec un odds ratio variant de 1,2 à 8,4 selon les études. Le risque augmente selon le degré de parenté et la gravité du cancer chez les hommes apparentés au 1er ou au 2nd degré. De plus, concernant l’ascendance afro-antillaise, le risque de diagnostic de cancer de la prostate passe de 13 % chez les hommes à la peau blanche à 29 % chez ceux ayant une peau noire. Enfin, des mutations BRCA2 confèrent un risque relatif de 2,64, contre 1,35 pour BRCA1, 3,25 pour HoxB13, 4,4 pour ATM ou 3,62 pour MSH.
Le risque de cancer agressif est également plus important dans ces populations. Par exemple, en cas de mutation du gène BRCA2, la probabilité de score de Gleason > 6 est de 63 % contre 27 % en population générale. Et plus l’histoire familiale de cancer de la prostate est significative, plus le risque de développer un cancer de haut grade est important.
Dans ce contexte, toutes les sociétés savantes s’accordent à dire qu’un dosage du PSA doit être réalisé à partir de 40 ou 45 ans chez ces hommes : 45 ans en cas d'histoire familiale ou d'ascendance afro-antillaise, et 40 ans en cas d’anomalie du gène BRCA. L’Association française d’urologie (AFU) souligne également l’importance d’un toucher rectal. « Mais les recommandations de 2024 du comité de cancérologie de l’AFU vont plus loin, indique Romain Mathieu, notamment pour les patients porteurs de mutations des gènes BRCA2 et HOXB13. » Chez ces patients, le comité recommande non seulement un toucher rectal et un dosage du PSA dès 40 ans mais suggère également qu’une IRM multiparamétrique pourrait être envisagée, indépendamment du taux de PSA (niveau de preuve faible). En effet, « chez les patients ayant une histoire familiale, près de 50 % des CaP ont été diagnostiqués malgré un PSA normal ». L'utilisation de l'IRM présente un bénéfice diagnostique chez les patients jeunes, à la condition d’une lecture par des radiologues experts.
D’après la session EA10 : Prise en charge personnalisée des populations à risque élevé de CaP chez le patient jeune
Article suivant
HBP : l’adénomectomie par voie haute a-t-elle vécu ?
Cancer de la prostate : ces hommes à risque de forme agressive
HBP : l’adénomectomie par voie haute a-t-elle vécu ?
Nycturie masculine, chercher la cause !
Sténoses urétrales, le défi du diagnostic précoce
Sgum : œstrogénothérapie locale ou THM ?
Nouveau rendu pour l’ECBU
SMS du congrès AFU 2024
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation
Manger du poisson ralentit la progression de la sclérose en plaques