Bisphénol A, phtalates, pyréthrinoïdes (insecticides), dioxines, furanes, retardateurs de flamme, composés perfluorés, tous ces perturbateurs endocriniens ont été trouvés à des niveaux de concentrations quantifiables chez près de la totalité des femmes enceintes, selon des travaux de Santé Public France. Pour la première fois, l’imprégnation des femmes enceintes françaises par certains polluants de l’environnement a pu être décrite en 2011 via le volet périnatal du programme national de biosurveillance.
En effet, Santé Publique France a mis en place ce programme (comme c’est prévu dans la loi Grenelle 2) au vu des effets indésirables potentiels que tous les polluants auraient sur l’organisme. L’exposition périnatale à ces polluants est soupçonnée d’avoir plusieurs répercussions sur la grossesse notamment la prématurité ou des malformations congénitales. Ils seraient également impliqués dans le développement ultérieur de l’enfant. On suppose un lien avec une augmentation du risque de cancers, des atteintes au système reproducteur, du développement psychomoteur ou intellectuel. Ainsi cette étude permet d’avoir une idée de l’imprégnation périnatale en s’appuyant sur des prélèvements chez 4 145 femmes enceintes qui ont enfanté en 2011 en France continentale (hors Corse) et qui ont été incluses dans la cohorte Elfe.
Sus aux pesticides !
Premier pays de l’UE en termes de surface agricole utilisable, la France est l’un des plus grands consommateurs de pesticides au niveau mondial. Bien que les données demeurent controversées, l’exposition des femmes enceintes à ces molécules est suspectée d’entraîner des atteintes néonatales. Heureusement, les pesticides ont rarement été mesurés à des concentrations quantifiables, à une exception près : les pyréthrinoïdes qui étaient quantifiés chez près de 100 % des femmes avec une concentration moyenne pour la somme de ces composés de 1,18 µg/L. Par ailleurs, une mère sur deux présente un niveau quantifiable pour au moins un métabolite de pesticides organophosphorés, et une sur cinq pour le propoxur. En revanche, moins de 1 % des participantes présentent un niveau quantifiable d’herbicides (atrazine ou glyphosate).
Les chiffres montrent aussi que l’imprégnation aux pyréthrinoïdes augmente avec les usages domestiques de pesticides et la consommation de tabac et d’alcool (l’alimentation restant la principale source d’exposition). L’analyse suggère également que vivre à proximité de cultures agricoles serait associé à une hausse des niveaux de concentrations, mais en l’absence de mesure dans l’air ou des poussières du domicile on ne peut conclure quoi que ce soit de cette corrélation. De même, étant donné que pour la plupart des pesticides étudiés, il n’existe pas de seuil sanitaire, il est difficile d’interpréter ces résultats.
Phtalates et Bisphénol A, des polluants très présents
Si on regarde à présent deux types de polluant qui entrent dans la composition de nombreux objets courants : le bisphénol A (BPA) et les phtalates. Présents dans les emballages alimentaires, les revêtements en plastique ou dans les produits d’entretien, ces deux composés sont omniprésents dans l’environnement comme le confirme l’étude. En effet, le BPA a été mesuré chez 1 764 candidates et les phtalates chez 989. Parmi elles, 99,6 % ont été exposées à au moins un phtalate à un niveau de concentration quantifiable et plus de 70 % au BPA. En ce qui concerne ce dernier, aucune femme ne dépasse la valeur seuil HBM-I de 200 µg/L (la moyenne étant de 0,69 µg/L).
Pour les phtalates, les concentrations moyennes sont de 7,4 µg/L pour les métabolites du DEHP et de 11 µg/L pour ceux du DINP, et les plus élevés avec 34,5 µg/L ont été observées pour le métabolite du DEP (utilisé dans les cosmétiques et produits d’hygiène). Parmi les 989 femmes, 16 dépassent le seuil HBM-I qui est défini comme le niveau de contrôle. Or, la consommation d’aliments riches en matière grasse susceptibles d’avoir été en contact avec des matériaux contenant ces composés ou l’emploi de produits d’hygiène et de peinture durant la gestation augmentent les concentrations de phtalates chez les femmes.
En outre, pour le BPA, les travaux montrent que l’imprégnation des femmes croit avec la consommation d’aliments susceptibles d’avoir été en contact avec des résines ou de matières plastiques. Elle augmente aussi avec la présence de linoléum au domicile ou avec l’utilisation prolongée de la télévision. Ce qui suggère l’inhalation possible de ce composé volatilisé dans l’air à partir d’équipements et matériaux présents dans le lieu d’habitation. D’autre part, le fait d’accoucher par césarienne est également lié à des niveaux de concentrations supérieurs sûrement à cause du matériel médical employé.
Ces données sont d’un grand intérêt vu car si le BPA est suspecté d’engendrer des effets néfastes sur les systèmes reproducteurs, endocrinien, métabolique et cardio-vasculaire. Les phtalates, eux, sont clairement classés comme substances toxiques pour la reproduction voire comme cancérigène possible.
Retardateurs de flammes, composés perfluorés : des données mais pas de seuil de contrôle
Les retardateurs de flammes ont pour but de bloquer ou ralentir l’inflammation de matière combustible en cas d’incendie. De ce fait, ils peuvent être présents dans de nombreux bien de consommation tel que les textiles, les appareils électroniques, les voitures ou les meubles. Dans la consommation courante, on trouve également des composés perfluorés qui peuvent être incorporés notamment aux produits anti-tâches ou les imperméabilisants textiles. Même s’il est difficile d’estimer l’impact de ces deux polluants, les retardateurs de flammes sont suspectés d’avoir des effets neurologiques, cancérigènes et aussi sur la reproduction. De leur côté, les composés perfluorés altéreraient la fertilité et auraient des effets sur le poids de naissance.
Ces deux polluants ont été retrouvés par dosage dans le sérum de 277 femmes enceintes. Au mois un composé perfluoré a été trouvé à un niveau quantifiable chez la quasi-totalité des participantes, la principale source d’exposition à ces molécules demeurant l’alimentation. Il en est de même pour les retardateurs de flammes. La concentration moyenne de l’ensemble des composés perfluorés était de 7,7 µg/L et de retardateur de flamme de 2,8 ng/g de lipides. Cependant, à l’heure actuelle aucun seuil de contrôle sanitaire n’existe, ce qui rend l’interprétation de ces chiffres hasardeux.
Dioxines, furanes et PCB, les polluants qui s’accumulent dans les matières grasses
Les dioxines, furanes et polychlorobiphényles (PCP) sont des polluants organiques résistants et très stables chimiquement. Bien que soumis à des réglementations strictes, ces produits restent présents dans l’environnement comme le démontrent les résultats, ces molécules ayant été mesurées dans le sérum de 208 candidates. Par ailleurs, la totalité d’entre elles avaient un niveau de concentration quantifiable pour une de ces substances. Néanmoins, point positif : la concentration sérique moyenne de dioxine, furane et PCB dioxin-like (types de PCB cancérigène pour l’Homme) est de 9,1 ng/g de lipides, ce qui demeure en dessous du seuil au-delà duquel un risque d’effet neurotoxique, immunotoxique et reprotoxique est possible lors d’une exposition périnatale.
Ainsi, si certains polluants organiques restent présents au point d’être mesurés à des niveaux de concentrations quantifiables chez la majorité des femmes enceintes, les données sont en général légèrement inférieures à celles observées dans des études antérieures françaises ou étrangères. Ces diminutions pourraient provenir en partie de la mise en pratique de réglementations et par les usages restreints via les innovations industrielles. En revanche, on remarque en France une surimprégnation des pyréthrinoïdes et des PCB comparée aux États-Unis. Ce fait, déjà observé dans l’étude ENNS sur la population générale, pourrait s’expliquer par les divergences de comportements et de réglementations entre les pays.
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