Pour les fêtes, je suis allé au supermarché acheter une plaque de beurre. Ma fille m’a dit « papa, toi qui vérifies toutes les étiquettes, tu t’es fait rouler ; en coupant la plaque, à la consistance, j’ai tout de suite constaté que ce n’était pas du beurre ».
Effectivement, je me suis fait avoir. J’avais pourtant été au rayon « beurre » ; j’avais pris un emballage doré, ça fait plus riche ; la plaque avait forme, volume et poids normaux pour du beurre. J’ai donc repris la plaque en main, et j’ai pu constater que toutes les lois de la psychologie étaient utilisées… Non pas pour aider le consommateur dans son choix, mais pour le tromper. Recto, « beurre » n’était pas inscrit en grand et au milieu, mais en tout petit en bas à gauche, comme pour se faire oublier des services de contrôle. Verso, j’ai regardé la « valeur nutritionnelle pour 100 gr » : 60 grammes de matière grasse dont 42 gr de graisses saturées, plus une pincée de sucre (c’est donc bon pour les diabétiques), une pincée de protéines et une pincée de sel (c’est bon pour les cardiaques, bien que sans valeur nutritionnelle).
En lecture diagonale par le cerveau droit, à l’heure ou l’on donne le bac à des élèves qui ne savent plus compter, 60 + 42 + 3 pincées ça fait à peu près 100 grammes. Au dos, j’ai aussi regardé la composition : colorant : j’ai compris pourquoi cela avait la couleur du beurre ; cancérigène ? Peu importe, sans rire, il n’y en a qu’une pincée. Surtout, il y a de l’eau (38 grammes mais ce n’est pas marqué) vendu au prix du beurre ! Sans doute que les services de contrôle ont remarqué, mais à une époque où il faut manger moins de graisse, ça passe comme une lettre à la poste. Il y a 30 ans, quand un agriculteur rajoutait de l’eau dans le lait, il avait un procès, de nos jours les industriels ont la bénédiction des pouvoirs publics pour réaliser cette escroquerie. J’ai aussi compris pourquoi ma vieille poêle Tefal accrochait ! Et moi qui l’accusais, prêt à en changer… il suffit de mettre deux fois plus de ce nouveau « beurre » pour retrouver, avec une « dose » normale, son fonctionnement normal.
J’étais furieux, prêt à prévenir la répression des fraudes et les services de consommateurs. J’en ai voulu au supermarché de ne faire aucune différence entre ce produit et du beurre dans son emplacement.
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé. J’ai compris que j’étais dans le même état que ces milliers de personnes qui ont été abusées par le nouveau Levothyrox. Ils achètent du Levothyrox, et certains, principalement les anti-génériques, s’aperçoivent qu’avec une même boîte en forme, couleur, etc. on leur vend un générique sans les prévenir. La communication via les réseaux sociaux a fait le reste. Si le but de l’opération était de démontrer au vulgum pecus qu’il n’y avait aucune différence, par expérience en double aveugle entre un princeps et son générique, c’est plutôt raté !
Je ne sais pas si vous avez déjà « caressé » quelqu’un avec l’extrémité d’un brin d’herbe : plus c’est léger, plus c’est désagréable, alors, chez un thyroïdien, je ne vous dis pas le résultat ! Et si pour la science médicale, < 5 % est quantité non significative, coté patients, 5 % de 3M d’utilisateurs, ça n’est pas négligeable, surtout à l’époque des réseaux sociaux. Il est grand temps de faire évoluer la statistique médicale…
Messieurs les médecins, vous avez eu tort de vous mettre du côté du fabricant et de la ministre. À lire les commentaires des patients atteints par ce mal, sur le net, on a l’impression que vous êtes comme ma vieille poêle, ça accroche, car vous êtes considérés comme coupables bien que non responsables, ce qui doit énormément réjouir certains. Car à l’heure où les tutelles font tout pour que vous décrochiez votre plaque, rajouter une couche d’insatisfaction des patients, vous rapproche de l’heure où le ministère va sortir de ses cartons le plan déjà préparé pour vous virer et vous remplacer par de doux agneaux bêlants, mais bien obéissants.
Certes, si sur le fond vous avez raison, sur la forme ça vaut zéro, et la médecine générale, c’est (c’était ?) d’abord la forme (la communication si vous préférez). Quand les patients entendent et refusent l’explication « effet placebo », c’est normal ; pour eux, un effet placebo est un effet « magique » certes peu compris, voire recherché, mais surtout bénéfique, donc accepté ! Alors dans le cas présent ! Et leur parler d’effet nocebo dont ils n’ont jamais entendu parler, c’est leur avouer que c’est un problème qui n’a jamais été étudié, tout du moins jamais quantifié ! De quoi leur faire penser qu’ils servent de cobayes à grande échelle !
Alors, la ministre a dit, pour se rassurer, qu’il n’y avait pas de vrai problème, que ce n’était qu’une petite erreur de communication. C’est oublier un peu vite deux choses – 1, que le rôle principal d’un(e) ministre, c’est la communication – 2, l’effet papillon : un battement d’ailes de papillon provoque un ouragan à l’autre bout de la planète ; c’est la théorie du chaos ; et on y fonce, dans tous les domaines, à la vitesse de notre gloire nationale.
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