Si « Le Généraliste » était paru en mai 1853

Le cas extraordinaire d’une trompe de Fallope sortie par l’anus

Par
Publié le 18/05/2016
Histoire

Histoire

Une femme de 57 ans avait accouché dix fois et toujours avec des difficultés croissantes. L’intervention active du chirurgien avait été nécessaire les dernières fois. Devenue encore enceinte, elle éprouve de vives douleurs du ventre et des reins ; elle eut des rétentions d’urine, du ténesme et une constipation opiniâtre. Pour aller à la garde-robe, elle était obligée de pencher tout le tronc en avant jusqu’à l’horizontale, sans quoi les efforts étaient très pénibles et très douloureux.

Parvenue à terme, elle mande une sage-femme qui, d’après la saillie considérable du ventre au-dessus du pubis, la dépression au-dessous et quelques autres caractères, crut avoir affaire à une grossesse double et appela le Dr Bocchi. Ce chirurgien constata l’existence d’une rétroversion considérable de l’utérus ; le fœtus avait pris une position presque horizontale, la tête fortement arc-boutée contre le pubis ; le col utérin était dans une contraction spasmodique continue. Après quelques tentatives inutiles pour faire descendre la tête, on appliqua le forceps, et le fœtus fut amené sans grandes difficultés. Le délivre était sorti et la malade se replaçait dans son lit, quand elle avertit la sage-femme que son fondement était sorti. Le docteur Bocchi trouva hors de l’anus un corps mou qui n’avait aucune ressemblance avec les tuniques intestinales, et dont il ne put déterminer le caractère. Il pria M. Manengo de se joindre à lui.

L’accouchement était terminé depuis six heures. L’état de la malade était devenu très grave : angoisse, traits effilés, peau acide et brûlante, pouls petit et très fréquent, respiration brève, ventre tendu et excessivement douloureux, sueur froide, etc. De l’anus sortait un corps de la grosseur du poing, irrégulier, comme vésiculeux ou cellulo-fibreux, jaune-verdâtre, transparent, de consistance molle, soutenu par un pédicule membraneux tordu sur lui-même et sortant lui-même de l’anus d’environ trois pouces. Or on pouvait le faire rentrer, et le doigt introduit dans le rectum n’en atteignait pas le point d’attache.

M. Bocchi fit sur la tumeur plusieurs piqûres avec la lancette ; il en sortit quelques gouttes d’un liquide séreux. Les chirurgiens se demandèrent s’ils n’avaient pas affaire à quelque tumeur cystique développée dans les interstices celluleux du rectum. Mais comme en tout état de cause il pouvait être dangereux d’inciser cette tumeur avant d’être mieux renseigné sur sa nature ; et qu’elle ne pouvait être repoussée dans le rectum, ils se bornèrent à un traitement antiphlogistique : évacuations sanguines générales et locales, applications de glace, etc. Vains efforts ! La malade ne tarda pas à succomber.

À l’ouverture du corps, on trouva la cavité péritonéale remplie d’un liquide purulent. Le péritoine et l’épiploon étaient d’un rouge sombre. À la portion supérieure du rectum, au niveau de la base du scrotum, au centre d’une grande tache de couleur violette, se voyait une ouverture gangréneuse de trois pouces de circonférence, par laquelle sortait une masse molle qui descendait de toute la longueur du rectum. Cette masse fut reconnue pour appartenir à la trompe de Fallope gauche, laquelle en raison de la rétroversion utérine, avait pu s’introduire par l’ouverture gangréneuse du rectum, entraînant avec elle l’ovaire et le ligament large. Le corps frangé était infiltré.

(« Gazette médicale lombarde » repris dans la « Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie », 1853)


Source : lequotidiendumedecin.fr