La HAS publiait en octobre dernier des recommandations sur la prise en charge d’un épisode dépressif, où elle préconisait de « choisir l’antidépresseur le mieux toléré, le moins toxique en cas de surdosage, et le plus simple à prescrire, à dose efficace ». Et orientait de ce fait, en raison de leur meilleure tolérance, le prescripteur en cas d’épisode dépressif modéré à sévère vers un ISRS ou un IRSN en première intention. Les antidépresseurs imipraminiques (tricycliques) arrivaient en deuxième intention, suivis de la tianeptine et de l’agomélatine, puis des IMAO en bons derniers.
Dans ce contexte, la méta-analyse du Lancet tombe à pic. Coordonnée par une équipe d’épidémiologistes d’Oxford (Royaume-Uni), elle compare l’efficacité et l’acceptabilité de 21 antidépresseurs chez des patients souffrant d’épisodes dépressifs majeurs dûment diagnostiqués.
Plus de 110 000 patients
Ainsi, 522 études comprenant 116 477 patients ont été passées au crible. Seules les études contrôlées randomisées en double aveugle ont été retenues. L’efficacité a été définie par une réduction d’au moins 50 % des scores de dépression à 8 semaines de traitement. L’acceptabilité a été mesurée par le taux de sorties d’essai à 8 semaines.
Il s’est avéré que les antidépresseurs sont plus efficaces que le placebo avec des OR s’échelonnant de 2,13 pour l’amitriptyline à 1,37 pour la robexetine (inhibiteur de la recapture de la noradrénaline, non commercialisé en France). Concernant l’acceptabilité de ces molécules seules, l’agomélatine (OR 0,84) et la fluoxétine (0,88) étaient moins arrêtées par les patients que le placebo, tandis qu’à cet égard, la clomipramine avait l’odd ratio le plus haut (1,30).
Toutes études confondues (contre placebo ou molécules entre elles), les niveaux d’odd ratio concernant l’efficacité des molécules se déclinent de 1,15 à 1,55 et de 0,64 à 0,83 pour l’acceptabilité.
Une fois ces molécules confrontées les unes aux autres par méthode de comparaison indirecte, il s’est avéré que l’agomélatine, l’amitriptyline, l’escitalopram, la mirtazapine, la paroxétine, la venlaflaxine et la vortioxétine étaient les plus efficaces tandis que l’amitriptyline, la clomipramine, la duloxetine, la fluvoxamine, la reboxetine, la trazodone et la venlafaxine étaient les molécules qui comptaient les taux les plus forts d’abandons.
« Ces données devraient permettre d’affiner les recommandations de prescription et d’informer prescripteurs et patients sur les mérites des différents antidépresseurs », selon les auteurs.
Pour le Dr Florian Ferrerri, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) et auteur d’un récent ouvrage de thérapeutique psychiatrique*, « cet article essaie de répondre à une question sur laquelle on bute : tous les antidépresseurs se valent-ils ? Et si ce n’est pas le cas, en existe-t-il des plus efficaces que d’autres ? » En effet, qu’il s’agisse des recommandations actuelles françaises ou internationales, elles proposent différentes lignes de traitements (IRS, IRSNA et autres) mais « on a une liberté de choix au sein des classes ». L’enjeu est de taille : il s’agit de traitements administrés durant 6 à 12 mois lors d’un premier épisode, et pour lesquels la prescription balance toujours entre efficacité pure et tolérance.
Trois molécules sortent du lot
Or, ce travail énorme, hyperobuste du point de vue épidémiologique, identifie les molécules qui ont un ratio efficacité/tolérance plus acceptable. « Les grandes gagnantes de cette publication sont la vortioxétine, l’escitalopram et l’agomélatine », pointe le Dr Ferreri qui constate paradoxalement « que parmi les trois, deux ont fait l’objet de signalements de l’ANSM : l’agomélatine et l’escitalopram. La première pour ses effets hépatiques et la seconde pour un risque d’allongement du QT. »
Pour le psychiatre, les conclusions de cette étude ne sont pour l’instant pas de nature à chambouler les guidelines de la HAS. « Cette analyse nous permet de justifier certaines prescriptions même si pour l’instant, ses résultats ne s’imposent pas en tant que recommandations. Il y a sûrement un travail à faire du côté du bien prescrire, plutôt que d’éviter des molécules qui rendent quand même de grands services ! » En France, l’Observatoire national du suicide a récemment montré que le taux de suicides a baissé de 26 % entre 2003 et 2014. Or, « on sait qu’il y a un lien assez important, chez l’adulte et ce d’autant qu’il est plus âgé, entre les prescriptions d’antidépresseurs et la baisse du taux de suicides », conclut le Dr Ferreri.
* « Ordonnances en psychiatrie et pédopsychiatrie : 100 prescriptions courantes ». Éditions Maloine.
[Article paru le 24/02, mise-à-jour le 01/03/2018]
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation