Les cas annuels de cancer de la prostate vont doubler entre 2020 et 2040, passant de 1,4 million à 2,9 millions en 20 ans, selon une projection publiée dans The Lancet et présentée ce 5 avril au congrès européen d’urologie à Paris. Pour expliquer le phénomène, « de la population vieillissante et de l’augmentation de l’espérance de vie découleront un nombre plus élevé d’hommes âgés dans les prochaines années », écrivent les responsables de la commission du Lancet sur le cancer de la prostate. Quant au taux de mortalité, il passerait de 375 000 décès par an en 2020 à 700 000 en 2040 (+ 85 %).
Alors qu’un consensus peine à être trouvé concernant la stratégie de dépistage du cancer de la prostate, les auteurs insistent sur la nécessité de ne pas passer à côté d’un diagnostic, car pour les cancers métastatiques, « un diagnostic et un traitement hormonal plus précoces permettront de réduire le nombre de décès et d'éviter des complications graves ».
Les pays à revenus faibles plus concernés
Pour les auteurs, l’augmentation des cas de cancer de la prostate touchera davantage les pays à revenus faibles et modérés, l’espérance de vie augmentant notablement par rapport aux pays à revenus élevés comme le montrait une autre publication récente du Lancet. L’Asie de l’Est et l’Amérique du Sud concentreraient le plus de nouveaux cas d’ici à 2040 (respectivement, environ 680 542 et 313 630 nouveaux cas) et le plus de décès (133 964 et 72 750 décès).
Ce constat appelle à améliorer le diagnostic précoce dans ces régions du monde, car la plupart des cancers sont découverts au stade métastatique. Les auteurs insistent également sur la nécessité de réaliser des études sur les ethnies d’Afrique de l’Ouest, les recherches étant jusque-là « réalisées en grande partie sur des hommes de type caucasien ». La littérature a montré que les hommes d’ethnie africaine, en particulier ceux d'origine ouest-africaine, ont un risque plus élevé de développer un cancer de la prostate que les hommes caucasiens ou asiatiques, ainsi qu’un taux de mortalité plus élevé.
Concernant les pays à revenus élevés, malgré une tendance à la baisse de la mortalité depuis les années 1990, les cancers de la prostate restent une cause majeure de décès et représentent 15 % des cancers chez les hommes. En France, chez les hommes, c’est le cancer le plus fréquent et la troisième cause de décès par cancer, derrière le cancer du poumon et le cancer colorectal. Le congrès français d’urologie en novembre dernier s’était fait l’écho d’une augmentation de l’incidence du cancer de la prostate dans le pays.
Surveillance active, dépistage précoce
Les auteurs rapportent plusieurs stratégies de dépistage selon le niveau de richesse des pays et le profil du patient ; et précisent que la hausse des cas de cancer « ne peut être prévenue par des mesures de santé publique ou d’hygiène de vie ».
Pour les pays à revenus élevés, les auteurs émettent des réticences quant au « choix éclairé » en concertation avec son médecin pour le patient de plus de 50 ans et sans risque particulier. Ainsi, ils se prononcent en faveur d’un dépistage couplant IRM et dosage du PSA (Prostate Specific Antigen) pour les hommes présentant un risque génétique, un surpoids, des antécédents familiaux ou encore d’ethnie africaine. « Cette approche permettrait à la fois de réduire le surdiagnostic et le surtraitement, tout en détectant des maladies potentiellement mortelles », argumentent les auteurs.
Pour rappel, la France applique la stratégie du dépistage avec « choix éclairé » avec un toucher rectal et un dosage du PSA, que l’Association française d’urologie (AFU) conseille de réaliser tous les deux ans à partir de 50 ans. En cas d’anomalie(s), la biopsie est indiquée et précédée d’une IRM. « Pour les personnes à risque avec une mutation BRCA 1 et 2, le dépistage doit commencer dès 40 ans », ajoute le Dr Guillaume Ploussard, responsable du comité scientifique Cancer de la prostate de l’AFU.
La société savante plaide depuis plusieurs années pour l’évaluation d’un dépistage organisé qui comprendrait « le dosage du PSA couplé à l’évaluation de la densité du PSA, suivi d’une IRM et d’une biopsie en cas de mesures suspectes », complète l’urologue. À ce titre, une méta-analyse publiée dans le JAMA Oncology confirme l’intérêt de l’IRM dans le dépistage par rapport au dosage du PSA seul, l’imagerie permettant de réduire les biopsies inutiles et les surdiagnostics de cancer de la prostate sans évolution péjorative. La surveillance active est également plébiscitée par les auteurs. « En France, ce choix est fait pour les cancers de grade I », explique le spécialiste.
Concernant les pays à revenus faibles ou modérés, « le problème est que le diagnostic tardif du cancer de la prostate est la norme. Des programmes de sensibilisation améliorés sont nécessaires […] associés à des investissements dans des systèmes de diagnostic précoce rentables », ajoute le Dr James N’Dow, titulaire de la chaire de chirurgie de l’Université d’Aberdeen. Les auteurs insistent sur la nécessité de réaliser des études pour évaluer les meilleures stratégies de dépistage, de diagnostic et de traitement dans ces pays. Une question à laquelle le Dr Ploussard répond par l’hypothèse de réaliser « un dosage du PSA seul et une biopsie en cas de valeur élevée. Le seuil pourrait être plus élevé que chez nous, et le dosage effectué tous les 3 à 5 ans, par exemple ».
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