« L’essai Renovate s’intéresse à un débat qui court depuis plusieurs années sur le choix de l’oxygénothérapie à haut débit ou de la ventilation non invasive pour les patients en détresse respiratoire », rapporte le Pr Marc Leone, de l’hôpital Nord de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), vice-président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar). Il ressort de cette étude brésilienne que le haut débit est équivalent à la ventilation non invasive et convient à tous les patients, à l’exception de ceux hypoxiques immunodéprimés pour qui la VNI sera plus bénéfique. « Les résultats indiquent qu’il n’existe pas de surrisque, à part pour les immunodéprimés, à mettre les patients sous haut débit », analyse le Pr Leone, qui n’a pas participé à Renovate.
L’étude a cherché à évaluer si l’oxygénothérapie à haut débit (OHD) était non inférieure à la ventilation non invasive (VNI) sur le taux d’intubation endotrachéale ou de décès à 7 jours chez des patients en détresse respiratoire. Cinq groupes étaient concernés : patients hypoxémiques non immunodéficients ; hypoxémiques immunodéficients ; avec exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) avec acidose respiratoire ; avec œdème pulmonaire cardiogénique (OPC) ; et hypoxémiques avec Covid-19 (ces patients ont été ajoutés après le début de l’inclusion en novembre 2019).
Une option plus confortable
Apparue il y a plus de dix ans, l’OHD s’est particulièrement développée durant la période Covid-19 et est couramment utilisée comme thérapie de support en cas de détresse respiratoire. « L’oxygénothérapie à haut débit, comparée à l’oxygénothérapie conventionnelle, apporte un oxygène réchauffé et humidifié. Elle a pour avantage de recruter des alvéoles au niveau du poumon », ajoute l’anesthésiste-réanimateur. L’OHD a d’autres avantages physiologiques, selon les auteurs de Renovate, étant plus confortable pour le patient que la VNI. Ils mentionnent d’ailleurs la possibilité de « manger, boire et parler plus facilement qu’avec la VNI ». Ces résultats sont publiés dans le Jama.
Cet essai randomisé de non-infériorité a inclus 1 766 patients adultes classés en cinq groupes de détresse respiratoire dans 33 hôpitaux brésiliens. Les patients étaient mis, soit sous OHD (n = 883), soit sous VNI (n = 883), et la marge de non-infériorité a été fixée entre 0,992 et 1,55. Au global, considérant l’ensemble des patients, 39 % du groupe OHD ont été intubés ou sont décédés dans les 7 jours contre 38,1 % du groupe VNI. L’incidence des événements indésirables sévères était similaire dans les groupes OHD et VNI. Le critère de jugement secondaire était le taux de mortalité à 28 jours et les auteurs ne retrouvent aucune différence entre OHD et VNI. Enfin, le critère de jugement tertiaire était le confort du patient, qui était supérieur dans le groupe OHD comparé au groupe VNI.
Confirmation nécessaire pour certains sous-groupes
L’OHD était non-inférieure à la VNI pour les patients hypoxémiques non immunodéficients (32,5 % d’intubation ou décès dans les 7 jours contre 33,1 %, non-infériorité : 0,999), avec exacerbation de BPCO (28,6 contre 26,2 %, non-infériorité : 0,992), avec œdème pulmonaire cardiogénique (10,3 contre 21,3 %, non-infériorité : 0,997) et hypoxémiques avec Covid-19 (51,3 contre 47 %, non-infériorité : 0,997). En revanche, l’OHD était inférieure à la VNI chez les patients hypoxémiques immunodéprimés : les auteurs retrouvent 57,1 % d’intubation ou de décès dans les 7 jours contre 36,4 % dans le groupe VNI (non-infériorité : 0,989).
Cependant, les auteurs font remarquer que le petit nombre de patients dans certains groupes appelle à des études futures sur les patients BPCO (n = 77), immunodéprimés (n = 50) et OPC (n = 272). De plus, « de façon assez surprenante, les comparaisons en sous-groupes montrent même que le haut débit est légèrement meilleur que la VNI chez les patients hypercapniques, c’est-à-dire ceux ayant une BPCO ou un OPC, chez qui la VNI est habituellement préférée », commente le Pr Leone. Pour l’équipe brésilienne, « si les recommandations indiquent aujourd’hui d’avoir recours à la VNI pour les détresses respiratoires causées par les exacerbations de la BPCO et l’œdème pulmonaire cardiogénique, elles se fondaient en fait sur une comparaison de la VNI avec l’oxygénothérapie conventionnelle ». De plus, « l’OHD est préférée au faible débit pour traiter les patients avec un épisode aigu hypoxémique, incluant également les immunodéprimés et les Covid-19 ».
De précieuses informations pour la pratique
« Ce n’est pas la première étude à présenter de tels résultats, poursuit le Pr Leone. Ainsi, pour les équipes maîtrisant les deux techniques, le choix peut se faire en fonction du confort et de la tolérance des patients. Pour les autres, il n’y a pas de danger à mettre un patient en détresse respiratoire sous oxygénothérapie à haut débit. » La VNI est en effet un acte plus technique qui requiert une expertise ainsi que du temps médical et paramédical. « De plus, pour le patient, la VNI peut être plus inconfortable et lui impose des variations de pression respiratoire », ajoute-t-il.
Il n’y a pas de danger à mettre un patient en détresse respiratoire sous oxygénothérapie à haut débit
Pr Marc Leone, hôpital Nord, AP-HM
Deux éditoriaux publiés dans le Jama, signés par des Français, prônent la prudence. Dans le premier, le Pr Yonathan Freund et la Dr Amélie Vromant (AP-HP) soulignent la petite taille des échantillons pour les patients avec BPCO et ceux ayant une insuffisance cardiaque et soulèvent « le rôle incertain de l’OHD chez les patients hypercapniques (comme les BPCO) du fait des effets physiologiques non totalement connus sur l’élévation des niveaux de PaCO2 », malgré les quatre études citées dans l’article. Les deux spécialistes parisiens regrettent que Renovate n’ait pas été plus centré sur le patient pour appréhender le critère de confort de ces deux techniques.
De leur côté, les auteurs de l’autre éditorial (3), les Prs Jean-Pierre Frat et Arnaud Thille, et le Dr Sylvain Le Pape, tous trois du CHU de Poitiers, tempèrent : « Plutôt que de suggérer que l’OHD peut universellement remplacer la VNI pour toutes les étiologies de détresse respiratoire », ces résultats indiquent « qu’initier le traitement avec de l’OHD n’est généralement pas nocif ». Selon eux, pour la pratique clinique, « cette interprétation fournit des informations donnant le temps aux cliniciens d’établir un diagnostic et de trouver la cause de la détresse respiratoire avant de choisir l’option la plus adaptée » ; ils qualifient ainsi l’OHD de « thérapie de transition sûre ».
(1) Renovate Investigators, Jama, décembre 2024.
DOI : 10.1001/jama.2024.26244
(2) Y. Freund et al., Jama, décembre 2024.
DOI : 10.1001/jama.2024.25869
(3) J.-P. Frat et al, Jama, décembre 2024.
DOI : 10.1001/jama.2024.25906
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