Avec une mortalité élevée les infections fongiques invasives sont des pathologies toujours redoutées dans les services hospitaliers. D’où l’importance de disposer d’alternatives thérapeutiques.
L’isavuconazole (Cresemba®) outre son efficacité, se distingue par un meilleur profil de sécurité, comparé aux autres traitements disponibles, comme l’ont démontré plusieurs communications présentées lors d’un symposium récent à Marseille*.
Avant d’envisager le traitement, quel est le pronostic de ces infections fongiques qui affectent des patients très immunodéprimés (hémopathie, greffe, déficit immunitaire, etc.) ?
En l’absence de thérapie, le taux de survie est proche de O %. « Avec les traitements actuels, le taux de mortalité chute à 30-35 % », confie Pr Raoul Herbrecht (Université de Strasbourg, France)*. Pour autant, le pronostic dépend également des germes impliqués. Dans la plupart des cas, il s’agit d’infections à aspergillus et dans une moindre proportion de mucormycoses. Dans une étude menée sur une période de dix-neuf ans entre 1997 et 2015, à l’université de Strasbourg (France), 1 329 suspicions d’infection fongique ont été analysées. Sur cet échantillon, 771 représentent des cas d’infections fongiques invasives, dont 714 des infections à aspergillus, 60 des mucormycoses et 21 d’autres maladies. A noter que 24 des infections fongiques invasives combinent une infection à aspergillus et une mucormycose. Pour les infections à aspergillus, le taux de survie s’établit à 59 %. « Ce qui n’est pas mauvais étant donné que l’étude a commencé en 1997 donc, durant la première phase, les patients ont été soignés avec un traitement conventionnel à l’amphotéricine B », souligne le professeur Herbrecht. Plus difficile à soigner, les mucormycoses invasives affichent des taux de survie d’environ 48 %.
Le voriconazole, traitement de référence des AI
Jusque dans les années 2000, l’amphotéricine B était la référence dans les infections fongiques invasives. Puis le voriconazole a fait son entrée sur le marché en 2002. Cet antifongique triazolé, aujourd’hui génériqué, s’est imposé comme traitement de première ligne dans les AI. Il n’a en revanche aucun effet sur les mucormycoses, à la différence de l’amphotéricine B. Au début des années 2000, le professeur Herbrecht a mené une étude comparant l’amphotéricine B au voriconazole chez des patients souffrant d’AI. « La survie est significativement meilleure avec le voriconazole », explique-t-il. Le taux de survie à 12 semaines était de 70,8 % pour le groupe traité au voriconazole (144 patients), contre 57,9 % pour celui traité à l’amphotéricine B (133 patients). Les patients sous voriconazole ont également eu moins d’effets indésirables graves. En revanche, des troubles visuels ont été relevés chez 44,8 % d’entre eux. « Des cas d’hépatotoxicité et d’érythrodermie sont également fréquents », souligne le Dr Thomas F Patterson. D’autres effets indésirables peuvent aussi apparaître à plus ou moins long terme : myalgie, perte de mémoire, alopécie, neuropathie et cancer de la peau. D’un point de vue pharmacologique, selon le professeur Groll, « le voriconazole peut poser des problèmes car il possède une pharmacocinétique non linéaire, sa métabolisation est complexe et on a relevé de nombreuses interactions pharmacocinétiques ». D’où l’intérêt de développer des traitements alternatifs, plus sûrs pour le patient avec une efficacité au moins comparable au voriconazole
Une meilleure tolérance avec l’isavuconazole
C’est sur ce créneau que s’est placé Basilea, en développant l’isavuconazole. Dernier-né des triazolés, ce composé est autorisé aux Etats-Unis et en Europe depuis 2015. Il est indiqué en cas d’aspergillose invasive ou chez des patients atteints de mucormycoses. « L’étude Secure a montré une efficacité similaire entre l’isavuconazole et le voriconazole », souligne le Dr Andreas Groll. Réalisée dans le cadre d’un essai de phase III, l’étude Sécure est une étude randomisée en double aveugle comparant l’isavuconazole et le voriconazole chez 527 patients entre 2007 et 2013. Le taux de mortalité à 42 jours est comparable : 18,6 % dans le groupe isavuconazole et 20,2 % dans le groupe voriconazole. « En revanche, l’isavuconazole est nettement mieux toléré. On observe moins d’hépatotoxicité, de troubles de la vue et cutanés », précise le Dr Andreas Groll. 42 % des patients du groupe isavuconazole ont développé des effets indésirables, contre 60 % pour le groupe voriconazole. Concernant les mucormycoses, les résultats de l’étude Vital de phase III ont montré que les taux de mortalité chez des patients traités avec l’isavuconazole étaient comparables à ceux d’autres études menées chez des patients ayant reçu de l’amphotéricine B.
De l’importance d’une prise en charge précoce
Si les traitements antifongiques sont incontournables, le diagnostic et la prise en charge précoce jouent également un rôle primordial. « Dans les maladies fongiques invasives, il est important d’être traité précocement, mais avec un traitement adéquat », précise le Dr Johan Maertens. En attestent les résultats d’une étude publiée en 2008 chez des patients atteints de mucormycoses (Chamilos and al). A 12 semaines de traitement, le taux de mortalité chez les patients traités tardivement (6 jours ou plus après le diagnostic) s’établissait à 82,9 % contre 48,6 % chez les personnes traitées précocement. Jusque dans les années quatre-vingt-dix, les infections fongiques invasives étaient prises en charge assez tardivement, lorsque la fièvre persistait chez des patients qui avaient déjà reçu des traitements antibiotiques. A cette époque, l’approche prophylactique avait pris le pas sur les traitements empiriques. Elle consistait à donner des antifongiques à des patients présentant un fort risque d’infection fongique invasive sans attendre l’apparition de signes cliniques. Cependant, un traitement prophylactique prolongé peut entraîner de graves effets indésirables, des interactions médicamenteuses et un phénomène de résistance des pathogènes. Aujourd’hui, la prophylaxie n’est recommandée par l’ECIL (European Conference on Information Literacy) que dans certains cas, notamment chez des patients souffrant de cancers hématologiques et présentant un fort risque d’infection. Les stratégies de traitement préemptif représentent alors une alternative intéressante. « L’approche basée sur le diagnostic est apparue pour la première fois en 2005. Les avancées dans ce domaine autorisent des traitements rapides pour les patients », explique le Dr Johan Maertens. Elle s’appuie sur différentes méthodes de diagnostic : biomarqueurs (galactomannane, β-d-Glucane), PCR, microscopie, imagerie HRCT et culture cellulaire. Ces dernières permettent de détecter une infection fongique invasive avant l’apparition des premiers signes cliniques. Ainsi le développement de nouveaux traitements, couplé à des stratégies thérapeutiques précises, a permis d’améliorer la prise en charge et le pronostic vital des patients atteints par ces infections toujours redoutables.
*La 43 e réunion annuelle de l’EBMT (European Society for Blood and Marrow Transplantation) s’est tenue à Marseille le 26 mars 2017.
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