L’annonce il y a quelques jours par la CNAMTS de l’obligation d’entente préalable pour la rosuvastatine et l’ézétimibe a suscité une vive polémique. Le Pr Luc Barret, médecin conseil national de la CNAMTS revient pour legeneraliste.fr sur les raisons qui ont motivé cette décision.
Pourquoi une telle mesure ?
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité des actions mises en place pour la promotion du bon usage des hypolipémiants, et la prescription plus efficiente des statines. Elles s’expliquent par leur caractère particulièrement coûteux pour l’Assurance Maladie.
Quels sont les objectifs de cette mesure ?
Notre ambition est de privilégier des traitements plus efficients cela permet de garantir à tous les patients un traitement sûr et efficace, pris en charge par l’Assurance Maladie.
Pourquoi spécifiquement ces molécules et pas d’autres ? Le fait que le Crestor et l’Inegy figurent parmi les médicaments les plus vendus n’a-t-il pas joué un rôle dans cette décision ?
En 2013, CRESTOR® (rosuvastatine) et INEGY® (ézetimibe/simvastatine) faisaient partie des 10 médicaments de ville les plus remboursés par l’Assurance Maladie, occupant respectivement la 3ème place avec 342,8 millions d’euros (+ 1,4% par rapport à 2012) et la 9ème place avec 179,0 millions d’euros (+ 4,4% par rapport à 2012). La consommation de rosuvastatine en France est singulière par rapport à ses voisins européens ; elle représente 30,1% des statines en 2013 (en volume) alors que c’est seulement 0,5% en Allemagne, 3,9% au Royaume-Uni et en moyenne 7,8% dans 7 pays européens.
En quoi les recommandations de la HAS ne sont-elles pas suivies concernant les médicaments en question ?
La HAS recommande d’utiliser l’ézétimibe, en cas de contre-indication et/ou d’intolérance aux statines et, de l’associer à une statine si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint. Les données de consommation montrent que dans la majorité des cas les traitements initiés par ézétimibe se font aujourd’hui seuls et sans antécédent de prescription de statine, hors des recommandations de l’AMM. Concernant la rosuvastatine, conformément aux recommandations, une alternative thérapeutique plus efficiente est disponible.
N’est-ce pas la première fois qu’une demande d’entente préalable touche un médicament ? Jusqu’ici ces demandes étaient réservées à des actes de kinésithérapie, aux traitements d’orthodontie faciale, à certains appareillages médicaux, à certaines pathologies inhabituelles, à certains examens et analyses de laboratoire.
Jusqu’à présent la demande d’entente préalable ne concernait que certaines prestations comme l’oxygénothérapie, certains produits de LPP… Il existait des procédures d'information du service médical pour les médicaments d'exception, mais les conditions diffèrent. Il s'agit de la première application de la procédure de demande d'accord préalable fondée sur l'article L.315-2 du CSS.
N’est ce pas une sorte de révolution dans l’exercice de la médecine difficilement acceptable par les médecins puisque cela réduit leur droit de prescription ? N’est-elle pas une sorte de sanction administrative pour le médecin accusé de ne pas respecter les recommandations de la HAS pour la prescription de ces produits ?
Cette décision ne porte pas sur le droit de prescription, mais sur sa prise en charge de la molécule prescrite, qui relève du ressort de l’Assurance Maladie. Elle s’inscrit dans la promotion du bon usage du médicament et s’appuie sur une évaluation de l’efficience des traitements disponibles sur le marché.
A t-il fallu changer le cadre administratif de l’entente préalable pour l’adapter à un médicament ?
Une décision du collège de l'Uncam fixant le cadre général de la procédure de demande d'accord préalable fondée sur l'article L.315-2 du CSS a été publiée le 9 septembre 2014. Elle précise les conditions d’application des règles relatives à la procédure d’accord préalable au remboursement pour certaines prestations.
Ce type de mesure n’ouvre–t-elle pas la porte à d’autres obligations à venir d’entente préalable concernant d’autres médicaments ?
La décision du collège de l'Uncam fixant le cadre général de la procédure de demande d'accord préalable, publiée le 9 septembre, encadre les conditions dans lesquelles ce type de mesure peut être mise en œuvre si le besoin est identifié sur d’autres prestations.
Ce type de mesure ne va-t-il pas poser des problèmes sur le plan médical ?
De manière générale, le code de déontologie médicale précise à l’article 8 que le médecin doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Cette mesure repose sur les AMM et les recommandations en vigueur, notamment les fiches de bon usage des médicaments. Concernant la rosuvastatine, il y a conformément aux recommandations une alternative thérapeutique plus efficiente et pour l’ézétimibe cette mesure incite à mieux respecter les recommandations.
Ne va t-elle pas trop compliquer les prescriptions de ce type de médicaments ?
Avec le téléservice, la procédure est simplifiée au maximum. Lors de la consultation, les médecins ont la possibilité de soumettre la demande d’accord préalable et d’obtenir la réponse en direct. Si la réponse est positive le traitement sera pris en charge. Si la réponse est négative, le médecin peut proposer un autre traitement pris en charge par l’Assurance Maladie.
Le risque n’est-il pas de voir les praticiens pour éviter cette entente préalable substituer dans leur prescription d’autres statines à celles concernées ?
L’ambition de cette mesure est bien de privilégier des traitements plus efficients. L’existence d’alternatives thérapeutiques à la rosuvastatine présentant une efficacité équivalente dans les mêmes indications et le respect des bonnes conditions de prescriptions de l’ézétimibe, permet en effet de garantir à tous les patients un traitement sûr et efficace, pris en charge par l’Assurance Maladie.
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