Pourquoi le Collectif Inter-Urgences s'est-il réuni avec d'autres organisations syndicales le lundi 13 septembre dernier ? Quelles sont vos revendications ?
Nos revendications n'ont absolument pas changé depuis la date de la constitution de notre mouvement avec les différents collectifs. Très concrètement, nous dénoncions alors l'impossibilité pour l'hôpital de répondre aux besoins de la population. Or cet été, nous avons vu une accélération de la diminution de l'offre de soins avec énormément de fermetures de services d'urgences. Pire, à la rentrée, nous avons constaté qu'il y a eu moins de recrutements que de départs. Résultats, nous nous trouvons dans une tendance à des fermetures de lits par manque de professionnels. Cet été, l'AP-HP a dû fermer 2 000 lits dont 500 pour raisons de travaux et pour l'instant n'a pas réussi à les rouvrir. Martin Hirsch (le DG de l'AP-HP) l'a confirmé avant même la date du 15 septembre de l'obligation vaccinale.
La situation de l'hôpital a-t-elle empiré ?
Oui, c'est pourquoi nous alertons sur la situation : la volonté politique n'est absolument pas de sauver l'hôpital public, mais au contraire d'accélérer la fuite des personnels soignants. Par exemple, nous assistons à une fuite massive des personnels soignants de tous les hôpitaux (public, privé, privé lucratif) pour aller vacciner. Car l'exécutif a élaboré une proposition de loi pour défiscaliser les professionnels de santé pour les inciter à faire de la vaccination. En témoigne la différence de salaire brut : 2 000 euros brut à l'hôpital et 3 200 euros en centre de vaccination. Même à l'hôpital américain, presque la moitié de leur effectif est partie. Conséquence, l'hôpital prend très cher : le privé parvient à compenser avec l'intérim tandis que le public n'a comme seule solution que de fermer les lits. Autre exemple, l'hôpital de Versailles a dû déprogrammer des opérations et pense à fermer les urgences de nuit. Les urgences du Kremlin Bicêtre se sont vues interdire d'accueil des internes en stage pour le prochain semestre. Comment faire alors tourner des urgences sans internes, alors même qu'il s'agit des quatrièmes urgences de Paris ?
Quelle est votre situation en tant que professionnel de santé ?
J'exerce en tant qu'infirmier à l'hôpital Bichat qui va fusionner avec Beaujon. Résultat, 300 lits vont être supprimés et deux maternités fermées. J'ai parlé avec les maires des deux villes concernées, Saint Ouen et Clichy et tous deux m'ont assuré que les populations de ces villes seront différentes dans une dizaine d'années. En d'autres termes, ceux qui auront les moyens de se payer une mutuelle iront se faire soigner dans le privé et ceux qui n'auront pas de mutuelle iront dans le public. Pire, le prochain PLFSS va créer le forfait urgences de 18 euros qui ne sera plus remboursé par la Sécu, mais par les mutuelles.
Quid du Ségur qui a permis des revalorisations ?
Le Ségur n'est que la confirmation de la politique de destruction de l'hôpital depuis ces dix dernières années. Dans le préambule du Ségur, le Premier ministre d'alors Édouard Philippe disait : « Le cap est bon, il faut accélérer. » Ce cap signifie destruction, restructuration et suppression de postes. Concernant les hausses de salaires, cela ne correspond qu'à une augmentation de 180 euros. La refonte des grilles à la rentrée verra une variation de 20 à 100 euros selon les professionnels et l'ancienneté. Au-delà des salaires, nous avons un problème de reconnaissance de la pénibilité de notre métier qui avait été instauré sur la réforme des études infirmières qui devenaient universitaires en échange de la perte de catégorie active par Mme Bachelot, alors que nous travaillons la nuit et le week-end.
L'obligation vaccinale des soignants va-t-elle aggraver la situation ?
Ce n'est pas tant l'obligation vaccinale qui représente plus un problème moral. Nous avons perdu l'intérêt de l'obligation vaccinale pour le patient. Du point de vue de la santé des gens, c'est plus destructif de renvoyer ces personnels non vaccinés car on n'a personne pour les remplacer. Je vous donne un autre exemple. Sur la première vague, nous n'avons pas eu beaucoup de clusters dans les hôpitaux parisiens parce que nous disposions de beaucoup de personnels et d'éléments de protection. Les clusters ne sont apparus qu'après, quand on nous a enlevé le personnel. Bref, moins vous avez d'effectif, plus vous aurez du mal à respecter les règles d'asepsie. Dans mon service d'urgences lors de la première vague, le tensiomètre était lavé toutes les dix minutes. Maintenant c'est trois à quatre fois par jour. Les toilettes des urgences ne sont lavées qu'une fois par jour le matin par un prestataire.
Quelle est la situation des services d'urgence en province ?
Auparavant, les provinces n'avaient pas tant de mal à recruter des gens venant des grandes villes et qui attendaient de revenir dans leur région d'origine. Désormais, c'est devenu beaucoup plus difficile pour ces hôpitaux de recruter car plus personne ne vient de la ville. Cet été, des avions avec des banderoles passaient sur les plages pour indiquer que les hôpitaux recrutaient. Ceux-ci ont dépensé beaucoup d'argent cet été dans leur campagne de recrutement. Cela serait d'ailleurs intéressant de savoir combien l'AP-HP a investi pour recruter. Pendant ce temps, les directions des établissements nous expliquent qu'elles n'ont pas les moyens de former plus des aides-soignantes pour devenir infirmières.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation