Ajourner les traitements des cancers entraîne une augmentation du risque de mortalité. Et ce même pour des retards relativement réduits de quatre semaines. C’est ce que suggère une étude bibliographique publiée le 4 novembre par le British Medical Journal (BMJ).
Comme le souligne la revue médicale dans un communiqué, la communauté scientifique avait déjà « largement accepté » qu’en oncologie, les reports de traitements puissent entraîner des pertes de chances. Cependant, « l’effet du retard de prise en charge sur la survie » n’avait jusqu’à présent jamais été précisément estimé « pour la plupart des indications de traitement ».
Face à ce constat et alors que la pandémie de Covid-19 occasionne dans le monde entier des ruptures de la continuité des soins, des chercheurs britanniques et canadiens se sont donné pour objectif de quantifier l’impact des retards de prise en charge sur le risque de mortalité. Pour ce faire, ils ont analysé 34 études réalisées entre janvier 2000 et avril 2020 auprès d’1,2 million de personnes touchées par un cancer de la vessie, du sein, du colon, du rectum, du poumon, de l’utérus, de la tête ou du cou et éligibles à un traitement chirurgical, une chimiothérapie ou une radiothérapie.
Une surmortalité d'environ 10 % pour 4 semaines de retard
Résultat : une corrélation entre un retard de traitement et une augmentation de la mortalité a été identifiée pour toutes les indications de traitement sauf quatre (chimiothérapie adjuvante dans le cancer du poumon ou de la vessie, chirurgie dans le cancer du poumon, radiothérapie adjuvante après une chirurgie conservatrice dans le cancer du sein). Autrement dit, un retard de traitement entraîne une perte de chance dans plus de 75 % des indications à la prise en charge d'un des sept cancers étudiés.
Cette perte de chance pourrait être provoquée par des délais relativement réduits, puisqu’un mois de retard augmenterait le risque de mortalité d’environ 10 %, avance le BMJ. Par exemple, 4 semaines de retard augmenteraient le risque de mortalité de 6 à 8 % pour un traitement chirurgical, de 9 % pour une radiothérapie d’un cancer de la tête et du cou, voire de 13 % pour une chimiothérapie d'un cancer colorectal.
Le risque de mortalité augmente avec la durée du retard
Si des retards relativement courts peuvent donc impacter le pronostic, celui-ci pourrait être plus dégradé encore par des délais de prise en charge plus longs. Par exemple, pour un traitement chirurgical du cancer du sein, un ajournement de 8 semaines serait corrélé à une augmentation du risque de décès de plus de 15 %, et un retard de 12 semaines à un accroissement de ce risque de plus de 25 %.
« Ces chiffres se traduisent par une surmortalité importante dans la population », affirment les auteurs, qui pour rendre ces résultats plus concrets ont calculé que décaler de 3 mois l’opération de toutes les patientes atteintes de cancer du sein pendant un an conduirait à près de 1 500 décès supplémentaires en Grande-Bretagne.
Des conséquences sous-estimées
L’impact réel des retards de prise en charge pourrait cependant être plus important encore que ce que suggère l’étude du BMJ qui n'a pas pris en compte les délais liés à des retards de diagnostic. Les chercheurs ont par ailleurs ignoré les conséquences que pourraient avoir les retards de prise en charge sur la qualité de vie des patients, voire, à une échelle plus collective, sur les coûts liés au traitement de cancers pris à un stade plus avancé.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation