Voilà de quoi prévenir l’excès de zèle dans la prise en charge précoce du Covid-19 en ville. En ambulatoire, l’aspirine et l’apixaban ne permettraient pas de prévenir les complications vasculaires de l’infection à SARS-CoV-2 chez les patients encore en état stable. C’est ce que suggèrent les résultats d’un essai clinique américain publiés lundi dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).
Des recos uniquement pour les patients hospitalisés
« Les patients atteints d’une forme sévère d’infection à SRAS-CoV-2 présentent des risques accrus de thrombose artérielle et veineuse, qui se manifestent souvent par une thrombose microvasculaire pulmonaire qui peut […] compliquer la pneumonie COVID-19 [et compromettre le pronostic] », rappellent les auteurs de l’étude. Ainsi plusieurs recommandations pour l’anticoagulation des patients souffrant de formes sévères ont-elles été formulées.
En revanche, la conduite à tenir chez les malades en état stable mais susceptibles de s’aggraver apparaît moins claire. De fait, aucune étude randomisée n’avait jusqu’à présent été conduite en ville afin d’évaluer la capacité des médicaments antithrombotiques à prévenir l’apparition des complications vasculaires du Covid-19.
Pour ce faire, les auteurs du JAMA ont recruté en ambulatoire environ 650 patients présentant une forme symptomatique mais non grave d’infection à SARS-CoV-2. Ces volontaires ont été randomisés en quatre bras afin que chacun reçoive pendant 45 jours soit de l’aspirine (80 mg par jour), soit de l’apixaban à dose prophylactique (2,5 mg deux fois par jour), soit de l’apixaban à dose thérapeutique (5 mg par jour deux fois par jour), soit un placebo.
Pas de réduction des taux d’hospitalisation sous antithrombotiques
Résultat : l’administration de médicaments antithrombotiques n’a pas permis d’éviter significativement l’aggravation de l’état des patients inclus.
« Ni l’aspirine, ni l’apixaban n’ont réduit des taux de d’hospitalisation par rapport au placebo », déplorent les auteurs. De plus, « l'incidence cumulée des critères de jugement principaux évalués -survenue d’une thrombose veineuse profonde, d’une embolie pulmonaire, d’une thromboembolie artérielle, d’un infarctus du myocarde, d’un AVC, d’une hospitalisation pour causes cardiovasculaire ou pulmonaire ou décès- ne différait pas significativement entre les 4 groupes de traitement », ajoutent-ils.
A contrario, si aucun accident hémorragique majeur n’est survenu au cours de l’essai, les chercheurs notent tout de même un surrisque relatif de saignements parmi les participants traités par aspirine (2,0 % cas), apixaban à faible dose (4,5 %) ou apixaban à plus haute dose (6,9 %) comparé à ceux ayant reçu un placebo.
Des conclusions à confirmer
Cependant, ces résultats méritent d’être confirmés par d’autres études avant d’abandonner l’idée d’administrer précocement des antithrombotiques en prévention des complications du Covid-19. Car cet essai comporte en fait une limite majeure, qui lui a valu d’être stoppé de façon anticipée : un nombre total d’évènements d’intérêt bien plus bas que prévu. En effet, seuls cinq évènements vasculaires – et aucun décès – sont survenus pendant l’essai.
Pour expliquer ce constat, les auteurs avancent deux hypothèses.« Premièrement, le seuil d'admission à l'hôpital a nettement baissé depuis le début de la pandémie, de sorte que l'hospitalisation n'est plus limitée presque exclusivement aux personnes souffrant de détresse pulmonaire sévère susceptible de nécessiter une ventilation mécanique », rappellent les chercheurs. Ainsi les patients sont-ils désormais adressés rapidement à l’hôpital dès les premiers signes de forme sévère, si bien que seules les formes particulièrement bénignes restent prises en charge en ville et que « la gravité du Covid-19 pris en charge en ambulatoire a diminué ».
Puis, les auteurs évoquent le rajeunissement des personnes contaminées notamment sous l’effet des campagnes de vaccination, qui ont ciblé prioritairement les sujets les plus âgés. « Aux États-Unis où l'essai a été mené, les personnes actuellement infectées par le SRAS-CoV-2 ont tendance à être plus jeunes et à présenter moins de comorbidités que les personnes infectées au début de la pandémie », et donc à être moins sujettes aux complications du Covid-19, soulignent-ils.
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