L’Académie de chirurgie s’est réunie fin février pour une séance sur la transplantation hépatique afin de faire le point sur les dernières avancées et les voies de recherche primordiales pour pallier le manque de donneurs. Le besoin croissant de greffons est fortement lié aux cas de métastases hépatiques du cancer colorectal mais aussi à la hausse de la stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique (Mash) qui, au stade de cirrhose ou de cancer, représente désormais 12 % des transplantations en France. Le foie est le deuxième organe le plus greffé en France avec 2,4 fois plus de demandeurs que de donneurs. Chaque année, 1 500 nouveaux patients sont en attente de greffe.
Les espoirs reposent notamment sur les donneurs à cœur arrêté, la perfusion hépatique normothermique ex situ prolongée ou encore les techniques de production de greffon hépatique en laboratoire. En outre, les chirurgiens pourront s’appuyer sur les techniques mini-invasives assistées entièrement par robot. « De l’ablation à la greffe, le robot facilite les sutures vasculaires, offre une meilleure visibilité sur le champ opératoire et permet des suites opératoires plus simples », se réjouit le Pr Henri Bismuth, l’un des pionniers en chirurgie du foie et en transplantation hépatique, à l’origine du centre hépato-biliaire à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP).
Des greffons réparés
« Si le donneur “habituel” est un donneur en mort cérébrale – le donneur vivant restant encore très rare –, le protocole mis en place par l’Agence de la biomédecine (ABM) a grandement bénéficié aux greffons provenant de donneurs décédés par arrêt cardio-circulatoire de catégorie Maastricht 3 », détaille le Pr Henri Bismuth. Dans ces situations, l’arrêt cardiaque est « contrôlé » et le décès circulatoire anticipé. « Le protocole prévoit une circulation normothermique régionale oxygénée après l’arrêt cardiaque et permet de réduire la survenue de cholangite ischémique du greffon », détaille le chirurgien. En France, ce sont ainsi 687 transplantations hépatiques qui ont été réalisées à partir d’un donneur de type Maastricht 3 entre 2018 et 2023 ; elles représenteraient 12 % de transplantations faites en France.
Les espoirs reposent sur les donneurs à cœur arrêté et la perfusion hépatique normothermique ex situ prolongée
La perfusion hépatique normothermique ex situ prolongée représente également un espoir pour répondre à la problématique de la dégradation de la qualité des greffons et aux limitations majeures des techniques actuelles de préservation des organes. « C’est l’une des causes principales du manque de greffons. Environ 30 % des greffons disponibles sont refusés par les équipes de transplantation », argumente le chirurgien. Ainsi, cette technique donne le temps d’évaluer précautionneusement la qualité des greffons tout en atténuant les effets délétères de l’ischémie/reperfusion et en donnant la possibilité de traiter et réparer ex situ les greffons initialement rejetés. « Une équipe de Zurich a transplanté un foie préservé durant trois jours avec succès. Des programmes ont été acceptés par la Food and Drug Administration (FDA) pour évaluer ces protocoles de préservation longue durée », raconte le chirurgien.
La bioconstruction, une révolution à venir
Enfin, des voies de recherche en bioconstruction pourraient apporter une solution durable au manque de donneurs. « Ces techniques nous permettraient de nous passer de donneurs et même de disposer d’organes à la demande. C’est un changement de paradigme », se réjouit le Pr Dominique Franco, ancien chef de service de chirurgie digestive à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart et professeur émérite à l’université Paris-Sud.
L’une d’elles pourrait rendre l’organe malade de nouveau fonctionnel et transplantable. L’approche consiste à décellulariser un foie, tout en conservant le squelette vasculaire et la matrice extracellulaire, puis à le recellulariser avec une perfusion de cellules, éventuellement xénogéniques. La décellularisation chimique par solvant donne de bons résultats chez la souris, mais cette méthode est trop agressive chez les gros animaux (porc). Une autre technique, l’utilisation des ondes de choc ultrasonores, a montré des résultats prometteurs. « Des expérimentations ont été autorisées par la FDA mais cela prendra du temps à être développé », précise le Pr Franco. La bio-impression 3D d’organes semble également encore lointaine : « Le seul tissu aujourd'hui imprimé est la peau ainsi qu’un squelette de cartilage d’oreille. Pour le foie, cela prendra plus de temps », ajoute le chirurgien.
De grands espoirs sont placés dans les organoïdes, qui devraient être « la première technique que nous verrons arriver », selon le Pr Franco, même si, à ce jour, aucun essai clinique n’est en cours. Le procédé consiste à créer des organoïdes pluricellulaires à partir de cellules souches pluripotentes. « Les organoïdes auront la fonction, mais pas la forme d’un foie. Dans un modèle murin, des organoïdes de foie implantés en intrapéritonéal ont prolongé la vie des rongeurs en insuffisance hépatique aiguë », rapporte-t-il.
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