En 2016, un groupe de réflexion « Développement durable » regroupant anesthésistes, chirurgiens, infirmier·es, pharmaciens, etc., s'est créé sous l'égide de la Société française d'anesthésie-réanimation. La question est d'ampleur, car une enquête menée sur trois hôpitaux (au Canada, États-Unis et Grande-Bretagne) montre que l'empreinte carbone de chaque opération équivaut à un aller-retour Paris Lyon en voiture. L'ophtalmologie n'est pas en reste, puisque la chirurgie de la cataracte, de par sa fréquence, est celle dont l'empreinte carbone est la plus élevée, soit l'équivalent par an de 400 fois le tour de la terre en avion rien qu'en France… 30 fois plus qu'en Inde.
La règle des 3 R : réduire, réutiliser, recycler
On gaspille beaucoup dans les blocs, puisque 20 % du matériel déstérilisé n'est jamais utilisé, du fait en particulier de l'utilisation de packs uniques, moins chers à l'achat mais que chaque chirurgien n'utilise jamais dans sa totalité. Il est tout à fait possible de réduire les déchets en limitant l'usage unique, l'Inde par exemple en consomme 20 % de moins qu'en l'Europe. « Et nous avons montré que nous pouvions réduire déjà de 10 % les déchets en sensibilisant tous les acteurs du bloc opératoire après une simple formation », constate le Dr Franck Becquet (Nantes).
Les soignants doivent aussi recycler, c'est-à-dire dire trier correctement les déchets. Il suffirait parfois de placer la poubelle de tri au bon endroit, de savoir ce qui est recyclable, ou non… et de se motiver. La moitié des déchets du bloc opératoire sont recyclables, pourtant un sur deux finit dans la poubelle des déchets infectieux. Ces déchets seront donc incinérés à haute température, ce qui est plus onéreux et plus polluant.
Enfin, pour réutiliser, il faudrait limiter le matériel à usage unique. Sur le plan infectieux, il n'existe aucune différence entre matériel à usage unique et restérilisable. Celui-ci coûte plus cher, mais permet de générer des emplois, d'économiser les minerais et de moins polluer. Cela va contre la tendance actuelle, puisque le jetable a tout envahi – instruments chirurgicaux ou de soins, tenues de blocs – « Mais, après la mainmise de l'usage unique, le restérilisable pourrait faire son retour », espère l'ophtalmologiste. Si on veut aller un peu plus loin, on pourrait aussi valoriser le matériel à usage unique en réutilisant par exemple la partie qui n'est pas en contact avec le patient.
Acheter et agir responsable
« D'autres actions durables sont possibles, comme économiser l'eau, l'énergie, acheter plus responsable en tenant compte des lieux de production, des matériaux, des emballages. Le conditionnement des comprimés et gélules récipients de verre pourrait être envisagé, plutôt que les blisters, qui combinent plastique et aluminium dont le recyclage est particulièrement compliqué », explique la Pr Isabelle Cochereau, secrétaire générale de la SFO, cheffe de service à la Fondation Rothschild.
Une étude sur le bilan carbone d'une chirurgie de la cataracte dans un hôpital français, présentée par le Dr Arthur Ferrero (Hôtel-Dieu) montre enfin le coût en énergie du transport des patients, ce qui pose la question de la répartition de l'offre de soins sur le territoire… un problème qui n'est pas spécifique à l'ophtalmologie.
Communications des Pr Isabelle Cochereau (Fondation Rothschild), Dr Franck Becquet (Nantes) et Dr Arthur Ferrero (Hôtel-Dieu)
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