Effet d’annonce ou réelle alternative à l’hospitalisation ? Depuis fin octobre, les autorités sanitaires esquissent la possibilité du suivi en ville de patients Covid-19 relativement lourds. Les recommandations de la HAS sur la prise en charge à domicile des patients Covid-19 oxygéno-requérants, publiées début novembre, vont dans ce sens.
Si l’hospitalisation reste globalement recommandée pour les patients à risque de forme sévère de Covid-19, la HAS estime que « dans le contexte épidémique actuel, certains malades atteints de Covid-19 oxygéno-requérants, qui sortent de l’hôpital, peuvent être pris en charge à domicile. En outre, certains malades oxygéno-requérants non hospitalisés peuvent être pris en charge exceptionnellement à domicile ».
Des critères d’éligibilité stricts
Cela sous réserve toutefois de cocher certaines cases. « Le patient doit être autonome, disposer d’un domicile salubre, avec la présence permanente d’un tiers et habiter à moins de 30 minutes d’un établissement de santé de référence disposant d’une structure d’urgence ou d’un SMUR de proximité. »
Sur le plan médical sont éligibles les patients sortant d’une hospitalisation en cours de sevrage d’oxygénothérapie avec un besoin <4 l/mn pour maintenir la saturation en oxygène (SpO2) au-dessus de 92 % au repos, ou les sujets non hospitalisés ayant une SpO2 <92 % mais >90 %. Parmi ces patients, ceux présentant un critère d’exclusion majeur (pathologie chronique non stabilisée type diabète, insuffisance rénale, etc. ; obésité morbide ; grossesse ; etc.) sont d’emblée exclus. La HAS écarte également ceux cumulant au moins deux critères mineurs : un âge supérieur à 70 ans, une pathologie cardiovasculaire, une cirrhose, un diabète équilibré, etc. L’âge seul ne suffit pas à exclure un patient de ce dispositif.
Anticoagulation prophylactique et corticoïdes
Sur le plan thérapeutique, alors que pour les patients Covid-19 suivis généralement en médecine de ville aucun traitement spécifique n’est recommandé, pour ces malades oxygéno-requérants, « une anticoagulation prophylactique et des corticoïdes faible dose (dexaméthasone 6 mg/jour ou équivalent pendant 5 à 10 jours) sont prescrits en complément de l’oxygénothérapie ».
L’objectif de l’oxygénothérapie est de maintenir une SpO2 >92 %. Toute aggravation impose de contacter une équipe hospitalière de référence voire le SAMU en cas de besoin en oxygène >4 l/min ou de désaturation <90 % à au moins deux prises consécutives.
Pour sécuriser les choses au maximum, l’état du malade doit être constamment vérifié par une personne de la famille, un aidant ou un professionnel de santé passant à domicile.
Équipes pluriprofessionnelles
Par ailleurs, la prise en charge de ces patients doit « être mise en place dans le cadre d’une équipe pluriprofessionnelle de premier recours en lien avec une équipe hospitalière de référence (pneumologie, maladies infectieuses, soins critiques,…) et le SAMU », insiste la HAS, qui appelle à la vigilance vis-à-vis de ces malades.
« Les patients stables peuvent soudainement devenir instables », met-elle en garde. Et de rappeler que « la prise en charge à domicile des patients atteints du Covid-19 et requérant une oxygénothérapie doit être exceptionnelle et réservée au contexte épidémique actuel ».
Inquiétudes de terrain
Malgré ces garde-fous, ces recommandations ne font pas l’unanimité, en raison notamment des risques potentiels pour les malades.
« Tout patient atteint du Covid-19 en phase précoce nécessitant de l’oxygène (étant) susceptible de voir son état respiratoire s’aggraver rapidement en quelques minutes », l’UFML-S (Union française pour une médecine libre-Syndicat) réclame purement et simplement leur abrogation. D’autres syndicats, comme la CSMF, ne ferment pas complètement la porte mais insistent sur l’importance de la formation des médecins et de la coordination entre les différents intervenants. Quant à la FMF, si sa présidente se montre plutôt favorable à cette évolution, elle souligne qu’elle doit se faire sur la base du volontariat.
Outre le risque de perte de chance pour le patient se pose aussi la question de la responsabilité des médecins de ville et de leur disponibilité. Déjà fortement sollicités par l’épidémie et par le suivi courant de leurs patients, tous ne pourront peut-être pas répondre présent…
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