La recommandation de la HAS n’aura pas fait long feu… Alors que l’autorité sanitaire s’est prononcée samedi en faveur d’un espacement des doses de vaccin - afin d’augmenter le nombre de personnes protégées -, le gouvernement vient d’annoncer qu’il n’en serait rien. Le délai entre les deux doses du vaccin Pfizer-BioNtech sera maintenu à « 3 ou 4 semaines », a ainsi tranché Olivier Véran ce mardi lors d’une conférence de presse.
Volte-face
Avant la HAS, plusieurs agences sanitaires (ANSM, Santé publique France...) avaient déjà ouvert la porte à un report de la seconde dose. Même Olivier Véran avait en son temps défendu l’idée, y voyant un moyen d’accélérer la campagne de vaccination.
Mais après la levée de boucliers suscitée par l’éventualité d’une telle mesure, et face aux incertitudes scientifiques subsistant quant à l’impact d’une modification du schéma vaccinal sur la protection conférée, le gouvernement a finalement préféré faire volte-face et jouer la carte de la sécurité.
Tout en reconnaissant qu’il était « utile et légitime » de s’être posé la question dans le contexte actuel de reprise épidémique et d’émergence de nouveaux variants, le ministre de la Santé s’est livré en duo avec le Pr Alain Fischer, coordinateur de la stratégie vaccinale, à une véritable contre-expertise des arguments avancés par la HAS.
Un impact sur le rythme de vaccination très limité
S’appuyant sur un travail de modélisation réalisé avec l’Institut pasteur, la HAS avait estimé que l’allongement du délai entre deux injections à 42 jours pourrait permettre de vacciner 700 000 personnes supplémentaires le premier mois. « Mais si on poursuit dans le temps l’analyse de la modélisation, on s’aperçoit que quelques semaines plus tard le nombre de personnes vaccinées est in fine le même du fait d’un phénomène de rattrapage secondaire », tempère le Pr Fischer. D’où au final, « un impact mineur sur le rythme de la vaccination », résume Olivier Véran.
A contrario, pour certains experts, le report de la seconde dose pourrait avoir un impact sur la protection conférée. « À l’échelle individuelle, le risque de perte d’efficacité paraît limité », avait jugé la HAS en s’appuyant notamment sur les données des essais cliniques montrant que l’efficacité clinique du vaccin Comirnaty® de Pfizer-BioNtech débute dès le 12e jour après la première dose et celle du vaccin de Moderna dès le 14e jour. Mais selon le Pr Fischer, des données qui viennent d’être publiées en Israël suggèrent que chez les plus de 60 ans la protection contre le Covid dans la période comprise entre la première dose et la seconde dose pourrait n'être que de 33 %. Par ailleurs, « nous n’avons aucune information disponible sur l’efficacité dans la durée d’une première dose puisque dans les essais cliniques et dans la vie réelle depuis fin décembre tout le monde a reçu une deuxième dose ».
L'émergence des nouveaux variants, un argument à double tranchant
Les données manquent également quant à l’effet d’un report de la seconde dose à J 42 sur la protection face au nouveau variant. Alors que la population cible est une population fragile, l’espacement des doses pourrait conduire à une réponse immunitaire sous optimale qui pourrait faire diminuer l’induction de la protection face au nouveau variant. Ainsi, « l’argument relatif au nouveau variant mis en avant pour espacer les doses peut être au contraire avancé pour maintenir l’espacement à pas plus de 28 jours ».
Enfin, l’absence de conséquences de l’espacement des doses sur la protection conférée par d’autres vaccins mis en avant par la HAS « doit être interprétée avec précaution car nous parlons d’une maladie nouvelle, d’un type de virus peu connu et de vaccins nouveaux (vaccins à ARN) ayant une cinétique particulière ».
« Toutes ces données nous font considérer avec une certaine prudence, une certaine réticence l’idée de l’espacement », conclut le Pr Fischer.
Le coordinateur de la stratégie vaccinale et le ministre de la Santé ont également mis en avant des arguments pratiques en faveur du maintien du délai actuel (nécessité de rappeler toutes les personnes ayant déjà un 2e rendez-vous programmé) et le fait que la plupart des autres pays ont fait le même choix (à l'exception du Royaume-Uni, du Québec et du Danemark).
Dans ce contexte, « nous ne touchons pas au délai d'injection du vaccin de Pfizer »,a conclu le ministre de la Santé, retoquant ainsi la recommandation de la HAS.
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