Passée de 90 % en 2005 à 61,5 % en 2010, l’adhésion des Français à la vaccination a été sérieusement entamée ces dernières années. Mais qu’en est-il du côté des médecins ? Alors que le corps médical a longtemps été considéré comme « acquis à la cause », les propos échangés lors du congrès montrent que les choses ne sont pas si simples, notamment pour les « nouveaux » vaccins. Et suggèrent que certains défauts de couverture vaccinale pourraient être autant le fait des médecins que celui des patients… Lors de la plénière « vaccins, nouveauté et polémiques », les Prs Daniel Floret (président du Comité Technique des Vaccinations) et Serge Gilberg (médecin généraliste et membre du CTV) se sont penchés sur deux vaccinations qui coincent : la vaccination anti-HPV et celle contre le méningocoque C.
Méningite, pourquoi ça « grippe »
Cette dernière est recommandée en routine depuis 2010 chez tous les nourrissons de 12 mois avec un rattrapage jusqu'à l’âge de 24 ans. Or, depuis, l’incidence de la méningite C a légèrement reculé chez les 1-14 ans mais fortement augmenté dans les autres tranches d’âges notamment chez les petits nourrissons et le jeune adulte. « La France est ainsi le seul pays ayant mis en place un programme de vaccination contre le méningo C où l’incidence de la maladie augmente, ironise le Pr Floret pour qui cet échec « est clairement lié à une couverture vaccinale insuffisante, notamment dans le cadre de la vaccination de rattrapage, ce qui n’a pas permis une immunité de groupe ». De fait, si le taux de couverture vaccinale atteint désormais 50 % parmi les 1-4 ans, il diminue ensuite fortement pour ne plus être que de quelques % chez le jeune adulte.
Pour le Pr Floret, ce défaut de couverture vaccinale est en partie attribuable au manque d’information et d’adhésion des patients faute de campagne de communication suffisante. Mais « il est clair aussi que les médecins ne sont pas suffisamment appropriés cette recommandation ». Une petite étude présentée en communication orale par le Dr Allory (Rennes) va dans le même sens. Ce travail s’est penché sur les déterminants empêchant une couverture vaccinale anti-méningo C optimale chez le grand adolescent. Les statuts vaccinaux d’un échantillon représentatif de la population de 16 à 18 ans ont été recueillis lors des Journées Défense et Citoyenneté de Rennes du 24 au 28 février 2014. Résultats : parmi les 371 jeunes ayant leur carnet de santé, 25,3 % étaient vaccinés contre le méningocoque C ; les adolescents ayant reçu un conseil de vaccination de la part du généraliste étant plus souvent vaccinés (p<0,001). « Cette étude confirme donc le rôle du médecin traitant dans l’incitation et la réalisation des vaccinations », concluent les auteurs.
Vaccination HPV, de nouvelles données en vie réelle
Concernant la vaccination anti-HPV, la donne est un peu différente. Plus qu’un problème d’appropriation d’une recommandation par les médecins, cette vaccination a surtout pâti d’interrogations quand à son bénéfice/risque. « Après toute une période d’adhésion des médecins, il y a aujourd’hui beaucoup de réticences, reconnaît le Pr Gilberg, et le problème de couverture vaccinale que nous rencontrons est, peut-être, lié à la mauvaise adhésion des médecins ».
Après avoir atteint son maximum en 2011 (26 % pour 1 et 3 doses chez jeunes filles de 15 ans nées en 96), la couverture vaccinale a baissé de façon régulière pour atteindre 18 % en 2013. Les questionnements répétés sur les effets indésirables supposés de ces vaccins et sur leur efficacité ne sont sûrement pas étrangers à cette évolution. À ce titre, on dispose désormais de données d’impact des programmes de vaccination « qui change la nature de la discussion sur le vaccin HPV », se félicite le Pr Gilberg.
Globalement, ces données ne permettent pas de conclure quand à l’impact du vaccin anti-HPV sur la prévalence des cancers du col mais « confirment son efficacité sur la baisse de la prévalence des infections HPV et sur la diminution des nouveaux cas de condylomes, avec une immunité de groupe lorsque la couverture vaccinale est suffisante, et une protection croisée sur quelques génotypes », résume le Pr Gilberg.
En parallèle, les travaux publiés récemment ne retrouvent pas de signaux d’effets indésirables graves liés à la vaccination. Une étude américaine cas témoin publiée fin mars suggère toutefois que la vaccination pourrait, comme toute stimulation immunitaire, favoriser l’expression clinique d’une SEP déjà existante mais restée asymptomatique jusque-là. Globalement, « le vaccin anti-HPV reste donc très bénéfice/risque et il est dommage de ne pas l’utiliser », résume le Pr Gilberg pour qui « la polémique n’a pas lieu d’être ». Faux débat donc mais interrogations bien réelles comme en témoigne la question posée par le Dr Pauline Jeanmougin (Paris) à la fin de la plénière : « Je suis très pro-vaccination, mais pour le HPV puisqu’on n’a pas de résultat sur l’objectif final, est-ce qu’on continue à vacciner où ne vaut-il pas mieux attendre de voir ce qui se passe ailleurs ? », s’interroge-t-elle tandis qu’un autre médecin questionne le coût du vaccin jugé « problématique ».
Des vaccins plus consensuels que d’autres ?
Preuves que malgré des données objectives plutôt favorables certains vaccins peinent davantage à convaincre que d’autres. C’est d’ailleurs ce que suggère l’étude Diva présentée lors du congrès. Selon celle-ci « l’engagement des médecins dans la vaccination dépend des caractéristiques de la maladie, des bénéfices attendus de la vaccination, des propriétés du vaccin et de l’expérience du MG ». Par exemple, pour une maladie rare dans leur pratique comme la méningite à méningo C, les MG voient moins l’utilité de vacciner. Même chose en cas d’existence d’« alternatives » préventives ou curatives comme pour le cancer du col.
L’étude de la Dress publiée fin mars dresse un constat proche. Selon ce travail, si la grande majorité des généralistes est favorable à la vaccination, un quart d’entre eux émettent des doutes sur l’efficacité et l’utilité de certains vaccins. Avec une importante hétérogénéité des comportements de recommandation en fonction du type de vaccins et de la population cible. Ainsi, seulement 33 % d’entre eux déclarent toujours recommander le vaccin contre le méningo C en rattrapage chez les 2-24 ans, alors qu’ils sont 51 % à le faire chez les nourrissons à 12 mois. Concernant la vaccination anti-HPV, 45 % des médecins de l’échantillon la recommandent toujours aux filles de 11-14 ans.
Ainsi semble donc se dessiner une vaccination « à deux vitesses » avec un socle de vaccins « traditionnels » incontestés et poussés par le corps médical et des vaccins plus récents qui peinent davantage à s’imposer. Une tendance que l’actualité récente concernant la vaccination, avec la pénurie répétée de certains vaccins, l’alerte de l’ANSM sur la vaccination anti rotavirus ou encore la relance du débat sur l’obligation vaccinale, risque fort de ne pas améliorer…
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