Pointée du doigt dans le « panorama de la santé 2016 » de l’OCDE, la France est-elle vraiment si mal en point en matière de vaccination ?
« Globalement, si on regarde les couvertures vaccinales nous restons à peu près dans les normes européennes, répond le Pr Daniel Floret (ancien président du Comité technique des vaccinations). Mais cette réalité de terrain plutôt rassurante contraste avec les enquêtes toujours plus nombreuses qui montrent une défiance inquiétante à l’égard de la vaccination. »
Au cours de ces dernières années, les travaux mettant en évidence un scepticisme croissant à l’égard de la vaccination se sont de fait multipliés. En septembre, une étude mondiale publiée dans la revue EBioMedicine avait consacré les Français champions du monde du scepticisme vaccinal avec 41 % des personnes interrogées disant douter de la sécurité des vaccins.
Les généralistes n’échappent pas aux questionnements, comme en témoigne une étude de la Dress de 2015. Dans ce travail, si la quasi-totalité des médecins interrogés se disaient favorables à la vaccination en général, près d’un quart émettent des doutes à l’égard des risques et de l’utilité de certains vaccins. Des résultats proches de ceux de l’étude Diva selon laquelle « l’engagement des médecins dans la vaccination dépend des caractéristiques de la maladie, des bénéfices attendus de la vaccination, des propriétés du vaccin et de l’expérience du MG ».
Des pouvoirs publics longtemps désinvestis
Le désengagement des pouvoirs publics français a sûrement participé à cette évolution. « Depuis l’hépatite B et jusqu’à très récemment, les pouvoirs publics ne sont absolument pas intervenus en matière de vaccination faisant le gros dos quand il y avait des controverses, regrette le Pr Floret, d’où le désarroi du public et des professionnels de santé. » À l’inverse, dans des pays comme l’Angleterre, par exemple, les pouvoirs publics sont davantage proactifs. « Outre-Manche, par exemple, lorsque le vaccin contre le ROR a été accusé de favoriser l’autisme et que la couverture vaccinale s’est mise à baisser, il y a un moment où les autorités ont sifflé la fin de la récréation. Elles ont fait des campagnes de rattrapage et ont démontré que ce qui était affirmé était non seulement faux mais aussi frauduleux. Alors qu’en France, on n’a jamais eu ce genre d’attitude. »
Reste que, depuis près d’un an, institutions et politiques semblent davantage monter au front comme en témoignent le plan d’action pour la rénovation de la politique vaccinale engagée par la ministre de la Santé au début de l’année à la suite du rapport Hurel et la récente concertation citoyenne sur la vaccination.
Autre élément qui a pu contribuer à affaiblir le discours vaccinal en France : le manque d’évaluation des actions mises en place. « Des pays comme le Canada ou l’Angleterre se sont donné les moyens d’évaluer les résultats de ce qu’ils font, explique le Pr Floret, et quand ils mettent en place un programme de vaccination on peut être sûr que, dans les deux ans qui suivent, ils auront évalué son impact sur la couverture vaccinale, l’évolution de la maladie, etc. ». Des données qui font souvent défaut en France alors qu’elles permettraient de mieux argumenter…
Des couvertures vaccinales inégales... mais pas si faibles
Si la France est « l’un des pays européens ayant les meilleures couvertures vaccinales (CV) pour le DTP et la coqueluche, elle est, en revanche, moins performante pour le ROR et la vaccination contre l’hépatite B », indique un rapport de la Drees publié en 2015.
Pour la rougeole, l’OCDE pointe en effet « un taux de vaccination parmi les plus faibles d’Europe », avec, en 2014, 11 % des enfants qui n’étaient pas vaccinés contre 6% en moyenne en Europe. « Nous avons effectivement une CV à 2 ans qui reste insuffisante pour éliminer la maladie, mais si l’on regarde plus tard nous ne sommes pas si mal, tempère le Pr Floret, avec des CV à 11 ans > 95 % pour la 1re dose ».
Pour l’hépatite B, les CV restent insuffisantes chez l’adolescent mais tendent à se normaliser chez le jeune enfant grâce au vaccin hexavalent. Et, globalement, « le problème est plutôt derrière nous », espère le Pr Floret.
La France est en revanche nettement à la traîne pour le HPV, avec des couvertures vaccinales en baisse depuis 2011 de l’ordre de 18 % pour la première dose en 2013.
Chez l’adulte, les difficultés concernent surtout la vaccination antigrippale avec un recul important depuis 2009-2010 et la pandémie H1N1. « En 2014, le pourcentage des plus de 65 ans vaccinés est passé sous la barre des 50 % », note l’OCDE (48,5 % par rapport à une moyenne européenne de 53,5 %). Le bilan de la saison grippale 2015-2016 suggérait toutefois un léger mieux avec une progression de 2 points.
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