LE QUOTIDIEN : Comment jugez-vous le couple médecin/patient à travers le prisme de l’observance ?
GÉRARD RAYMOND : Les médecins ont réduit le sens du mot observance à un ordre, une injonction de traitement adressée au patient. Si bien que les patients ont souvent une réticence à cette injonction qui n’est pas motivée. Il faut que nous réfléchissions tous ensemble à ce problème, parce que cette injonction de soins peut non seulement n’avoir aucun effet, mais aussi être contre productive ! Si les patients n’obtempèrent pas, c’est parce qu’ils ne comprennent pas. On dit à un diabétique de type 2 de prendre son traitement mais s’il n’est pas conscient des enjeux – surtout pour une maladie asymptomatique – pourquoi voulez-vous qu’il le prenne, surtout si cela provoque des effets secondaires parfois très désagréables ?
La démarche du soignant doit donc être d’abord d’obtenir l’adhésion du patient, mais ça suppose que les enjeux lui soient clairement exposés. Il faut ensuite parvenir à faire participer le patient à son propre traitement. Il faut que ce soit lui qui se soigne, pas le médecin.
Mais les médecins sont-ils bien formés à cela ? Leur a-t-on suffisamment appris à rechercher cette adhésion ?
La réponse est non. Le métier de médecin, notamment de généraliste, est un métier difficile, mais on voit bien qu’ils n’ont pas été assez formés à l’écoute, à l’accompagnement des personnes. La relation soignant-soigné est à revoir totalement, à refonder.
Comment faire ?
Il y a plusieurs niveaux de réponse. Il faut d’abord revoir la formation initiale pour apprendre aux praticiens à écouter, à adopter des postures de bienveillance et d’empathie au lieu de se contenter de prescrire. Mais les études sont longues, et si on change la formation initiale, les effets ne se feront sentir que dans dix ans. En attendant, le DPC devrait se fixer une nouvelle priorité, celle de former ceux qui sont déjà sur le terrain.
Derrière tout ça, il y a également le problème de la rémunération à l’acte, qui n’est pas adaptée au suivi d’un patient chronique.
Enfin, il faudrait une réorganisation totale du premier recours avec des projets médicaux de territoire incluant tous les professionnels de santé et prévoyant l’accompagnement des pathologies chroniques.
Quant à la ROSP [rémunération sur objectifs de santé publique], on pourrait l’élargir à des items spécifiques à l’observance, comme le nombre de patients chroniques qui n’ont pas été hospitalisés dans l’année du fait de leur pathologie.
Les industriels développent de nombreux systèmes pour favoriser l’observance. Comment jugez-vous cela ?
Nous disons à tout le monde, et pas seulement aux industriels, « arrêtez de faire pour nous, faites avec nous ». Nous avons changé de siècle, le patient a son rôle à jouer ! Les industriels, comme les autres acteurs, doivent se poser la question de savoir ce qu’attendent les patients, quels sont leurs besoins. Il faut donc réfléchir tous ensemble – patients, industriels, médecins, Sécu. À défaut, le risque est que les nouveautés ne correspondent pas à un véritable besoin des patients, mais à celui de l’industriel ou du professionnel de santé.
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