Télémédecine, génomique, numérisation des salles d’opération, recherche clinique… C’est suivant un rythme « majeur et irréversible » que le numérique a diffusé dans tous les domaines de la santé, selon Claude Kirchner, membre du comité consultatif national d’éthique (CCNE).
Cette observation fait partie du rapport du CCNE intitulé « Quels enjeux éthiques pour quelles régulations ? » remis ce 19 novembre et rédigé par un groupe de travail avec le concours de la commission de réflexion sur l’éthique et la recherche en sciences et technologies du numérique d’Allistene (CERNA). Présentées devant un parterre de 180 personnes, les recommandations qu'il contient figurent pour la plupart dans l’avis 129 du CCNE rendu en septembre dernier.
L'accélération de la diffusion du numérique aura un impact sur la relation médecin patient, « mais aussi sur l’organisation et la gouvernance du système de santé » prévient Claude Kirchner. « Le numérique soulève des enjeux éthiques majeurs dans tous les domaines, de la communication de nos données pour la recherche à l'envoi de mail par des messageries non sécurisées par les médecins lorsqu'ils communiquent avec leurs patients. »
Les deux risques de la médecine algorithmique
Selon les auteurs, « une voie de passage éthique doit être trouvée entre l’impératif de protection des données de santé et la nécessité de leur partage pour renforcer la qualité et l’efficience de notre système de santé ». Ils en appellent ainsi à la « retenue dans le recours aux instruments législatifs et réglementaires », notamment dans le cadre de la transposition du règlement général européen sur la protection des données en droit français.
Les auteurs pointent par ailleurs deux risques soulevés par la médecine algorithmique. Le premier relève d’une systématisation de raisonnements fondés sur des modèles pouvant conduire à une minoration des situations individuelles. Le second porte sur le consentement des patients aussi bien dans la collecte des données que dans le processus de prise en charge lui-même.
Le risque face aux « décisions » d’un algorithme serait, expliquent les auteurs, de « priver, par délégation de consentement, le patient d’une large partie de sa capacité de participation à la construction de son processus de prise en charge ». Si le droit positif actuel reste selon eux adapté, ils préconisent de le compléter par des outils pratiques nouveaux ou réactualisés pour garantir l’effectivité du recueil de ce consentement.
Principe d’une garantie humaine du numérique en santé
Le groupe de travail propose également d’inscrire dans la loi le « principe fondamental d’une garantie humaine du numérique en santé ». Il s’agit de garantir une supervision humaine de toute utilisation du numérique en santé. Dans son avis, le CCNE porte aussi « l’obligation d’instaurer, pour toute personne le souhaitant et à tout moment, la possibilité d’un contact humain en mesure de lui transmettre l’ensemble des informations concernant les modalités d’utilisation du numérique ».
Seule proposition du groupe de travail qui n’a pas été suivie par le CCNE, la transformation du CCNE en Comité National d’Éthique aurait permis d’intégrer aussi bien les enjeux éthiques des sciences de la vie et de la santé que ceux des sciences, technologies, usages et innovation du numérique.
Enfin, la question d’un cadre général d’indemnisation des dommages susceptibles d’être causés par les objets numériques n’a pas été jugée comme une « priorité immédiate » dans le cadre de la révision de la loi bioéthique. Selon les auteurs, l’élaboration d’un cadre gagnerait à être posée à un « niveau au moins européen ».
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