Ils viennent d'obtenir le feu vert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour le transfert des données pseudonymisées du Système national des données de santé (SNDS) au CHU de Toulouse. « Ils », ce sont les porteurs du projet APSoReN, à savoir le Health data hub (HDH), le CHU toulousain et la société experte en IA Collective thinking. APSoRen vise à l'amélioration du parcours de soins du patient traumatisé crânien par développement d’un modèle d’IA en réseau de neurones appliqué à des jeux de données massives. Concrètement, ce projet consiste à croiser les données hospitalières avec celles du SNDS afin d’identifier les patients susceptibles de « décrocher » de leur parcours de soins.
« Les victimes de traumas crâniens ont ceci de particulier que les lésions dont ils souffrent génèrent souvent des modifications de comportement ou des déficits d’attention et de mémoire, dont eux-mêmes ne se rendent pas compte, explique le pilote du projet, le Pr Xavier de Boissezon, spécialiste en médecine physique et réadaptation fonctionnelle au CHU de Toulouse. S’ils ne sont pas accompagnés par une équipe soignante, dans le cadre de prises en charge rééducative, ils risquent d’arrêter leur traitement. Cette réalité de terrain, tous les soignants qui suivent des patients traumatisés crâniens la connaissent ». L’objectif est donc de savoir comment repérer le plus tôt possible ceux qui, du fait de leur trauma crânien spécifique ou de leur environnement social et éducatif, risquent de sortir du parcours de soins.
150 000 nouveaux cas chaque année
Pour faciliter cette identification précoce, ce projet, dont la mise en œuvre débute ce mois d’avril, se base sur l’étude des comptes rendus médicaux d’une cohorte de 42 664 patients, tous âges confondus, pris en charge au CHU de Toulouse entre 2014 et 2018. « Ces facteurs de risque de décrochage, ce n’est pas dans l’imagerie médicale qu’on va les déceler mais dans les comptes rendus des assistantes sociales, des infirmières, des psychologues et des neuropsychologues. Ces éléments donnent des signaux faibles, certes, mais qui sont très intéressants pour repérer ces patients spécifiques », développe le Pr Xavier de Boissezon. Ces data intra-hospitalières seront ensuite appariées à celles du SNDS pour essayer de dégager des profils types pertinents sur l’ensemble du territoire.
« Nous avons trois grandes IA qui tournent sur ce projet. Une IA de modélisation sémantique qui identifie, en apprentissage non supervisé, les termes récurrents dans le corpus de données. Une IA dédiée à la modélisation du parcours de soins qui, en se basant sur d’immenses cohortes de patients, fera ressortir des lignes de force. Et enfin, celle dédiée à la médecine personnalisée prédictive et préventive, qui nous aide à identifier et à cataloguer des comportements à risque », développe le DG de Collective thinking, Vincent Susplugas.
Un long chemin a été parcouru depuis la première autorisation de la Cnil en juillet 2022 : l’espace projet a été ouvert sur la plateforme technologique du HDH, le formatage des données et d’information des patients a été effectué ainsi que leur pseudonymisation. Le début de leur analyse peut commencer. « Nous en aurons au moins pour une bonne année de travail », prévoit le Pr de Boissezon. Si cette approche innovante fait ses preuves, elle pourrait être répliquée à l’analyse des parcours de soins de patients soufrant d’autres pathologies chroniques.
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