« Il existe un socle de grandes valeurs éthiques partagées, qui définissent une éthique à la Française » non-marchandisation du corps, gratuité du don, affirmation de l'autonomie, souci des plus vulnérables, constate le Pr Jean-François Delfraissy, président du CCNE, à l'issue de quatre mois de consultation citoyenne.
Autres enseignements : le besoin d'information des citoyens et de nouvelles inquiétudes concernant leur place dans le système de santé et la médecine du futur. Commence également à émerger une certaine méfiance des Français à l'égard des scientifiques et des médecins, s'est désolé le Pr Delfraissy.
Cette consultation est-elle un succès ? Le CCNE se félicite de la mobilisation des citoyens. « Ce n'est pas une vision de l'opinion française que nous transmettons ; c'est une vision des gens qui ont participé à ces États généraux », a clarifié le Pr Delfraissy. Sans nier les limites de l'exercice : la difficulté de toucher « la France profonde et la banlieue », et « la présence d'un certain nombre de militants qui ont pu monopoliser la parole ». Le comité citoyen, panel représentatif de 22 personnes, se montre plus critique : « Si la mobilisation des citoyens a été réelle, elle nous a semblé insuffisante au regard des enjeux », écrit-il.
Vers des évolutions sur la génomique et la recherche sur l'embryon
Des modifications sont à attendre sur les sujets relatifs à la recherche sur l'embryon et sur la génomique, bousculés par les avancées scientifiques. Pour ces deux sujets, l'équilibre est délicat entre les bénéfices de la recherche, et les risques de dérives éthiques ; un encadrement apparaît comme une nécessité (sauf pour certains opposants a priori aux recherches sur l'embryon, qu'ils considèrent comme un être humain dès la fécondation).
Le CCNE relaie les demandes d'éclaircissements des termes de la loi ou l'adaptation de celle-ci au contexte scientifique des chercheurs auditionnés sur la recherche sur l'embryon : lever les incertitudes qui existent sur certaines approches expérimentales comme la création d'embryons chimériques, la possibilité de modification du génome, et la durée de culture des embryons in vitro ; et distinguer les régimes juridiques des recherches sur l'embryon d'une part, et de l'autre, celles portant sur les cellules-souches embryonnaires (CSEh) (à assouplir, selon eux).
De même, les sociétés savantes suggèrent des évolutions en termes de génomique : élargissement de certains diagnostics génétiques, tels que le diagnostic pré-implantatoire des aneuploïdies, l'accès aux caractéristiques génétiques en post mortem, le dépistage élargi en pré-conceptionnel ou/et en période néonatale (mais il n'y a pas de consensus), l'adaptation du consentement à des situations d'incertitude, la réorganisation des métiers liés à la génétique, la sécurisation des données. Certaines pistes sont partagées par le comité citoyen (voir ci-contre).
Divergences sur l'AMP et la fin de vie… sur fond de constats partagés
Sans surprise, le CCNE fait état des divergences qui traversent le pays sur l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes, en exposant les arguments des uns et des autres : principe d'égalité pour les tenants de l'extension de la technique, droits de l'enfant, pour les opposants. Mais le comité tient à noter des préoccupations communes aux deux parties : l'importance d'une structure familiale, la réalité du désir d'enfant, la conscience de la responsabilité des parents, la réaffirmation de la gratuité du don de gamète et le refus de la marchandisation du corps.
La demande des citoyen(ne)s en faveur de l'autoconservation ovocytaire par prévention, partagée par les sociétés savantes, a été entendue par le CCNE ; ainsi que la nécessité d'un dialogue autour de l'accès aux origines, entre respect du principe de l'anonymat, et réalités technologiques.
Sur la fin de vie, les Français se rejoignent sur le constat d'un mal-mourrir en France, d'une méconnaissance de la loi Leonetti-Claeys, et d'une insuffisance des moyens des soins palliatifs. Puis se divisent entre les tenants d'un statu quo et les défenseurs de l'autonomie du patient.
Enfin, faute d'informations, certaines thématiques comme l'environnement, le don d'organes ou les neurosciences, ont peu mobilisé.
Le CCNE rendra un avis plus engagé en septembre 2018, comprenant ses pistes d'évolution de la loi et d'organisation du débat éthique en France.
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