CHAQUE ANNÉE une séance commune Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) - Société francophone de transplantation (SFT) - Agence de la Biomédecine (ABM) permet d’échanger autour des problématiques du prélèvement d’organe. Les états généraux du rein, initiés de façon commune avec les associations de malades ont montré les disparités nationales et la nécessité d’une nouvelle mobilisation. L’engagement de la spécialité dans cette priorité nationale, face à l’écart sans cesse croissant entre organes disponibles et patients inscrits en attente de greffe est ainsi confirmé. Plusieurs nouvelles possibilités de prélèvement d’organes se sont récemment ouvertes ou sont en discussion, dans des situations encore d’exception :
• le prélèvement après arrêt cardiaque irréversible, appelé prélèvement à cœur arrêté ou DCDD en anglais (anciennement NHBD) ;
• la décision médicale entre l’utilisation d’une circulation extracorporelle à visée thérapeutique (ECMO ou ECLS) ou en vue d’un prélèvement de rein voire de foie en n’utilisant qu’une circulation de l’hémicorps inférieur (circulation régionale) ;
• le prélèvement après décision de limitation des soins (Maastricht III).
Arrêt cardiaque réfractaire après 30 minutes de réanimation.
Les critères actuels pouvant donner lieu à un prélèvement d’organe (rein, éventuellement foie ou poumon) après arrêt cardiaque irréversible sont encadrés par la législation et l’ABM. Ils sont très clairs, et ne doivent pas culpabiliser les équipes des SMUR, car ce n’est pas un échec. Les donneurs potentiels sont des patients en arrêt cardiaque réfractaire, pour lesquels l’heure de l’arrêt est précisément connue et une réanimation cardiopulmonaire (RCP) est entreprise depuis 30 minutes au moins sans succès. Les arrêts cardiaques associés à une hypothermie et ceux d’origine médicamenteuse (cardiotropes) sont exclus car ils peuvent bénéficier d’une assistance ventriculaire même après une RCP prolongée. La durée d’asystolie, sans massage cardiaque, doit être inférieure à 30 minutes, et la durée d’ischémie chaude inférieure à 120 min, ou 150 min en cas d’utilisation d’une machine à masser. Un algorithme est présenté, utilisé dans sa troisième version à Lyon, modulant le délai si l’arrêt n’est pas une asystolie mais un trouble rythmique ventriculaire, de meilleur pronostic. Des critères de sélection des donneurs restrictifs sont utilisés : âge ‹ 55 ans, absence d’hypertension, de diabète, et de protéinurie. Néanmoins, le CHU de Lyon qui a été le premier CHU en France à organiser ce type de prélèvement, a vu cette activité baisser sans raison objective.
Le prélèvement à cœur arrêté marque le pas.
Le prélèvement à cœur arrêté, autorisé en France depuis plus de 5 ans, a par ailleurs évolué, avec de nouvelles possibilités par l’utilisation des pompes de circulation extracorporelle (CEC) utilisées en circulation régionale normothermique. Barcelone, utilisant cette technique observe une quasi-disparition des non-fonctions primaires du greffon, montrant l’excellence des résultats. Cette technique est néanmoins lourde et marque le pas. L’expérience de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière a été rapportée et plusieurs échanges ont eu lieu. Passée la phase d’apprentissage d’une technique lourde, le temps reste compté en terme d’ischémie, pouvant passer de 150 min avec la technique initiale de mise en place d’une sonde de Gillot à 240 min avec une circulation régionale. Les résultats à long terme de ces greffons ayant subi un arrêt circulatoire initial sont excellents, sous réserve de ne pas associer d’autres facteurs de risque donneur/receveur, et d’une évaluation par les résistances vasculaires avant greffe réalisé obligatoirement sur machine de reperfusion. Les techniques de reconditionnement des organes marginaux sont en plein développement et vont s’étendre progressivement aux autres organes et en premier lieu le poumon. C’est toute la physiopathologie de l’ischémie/reperfusion qui utilise les recherches sur les nouveaux liquides de conservation de 3e génération, les conditions rhéologiques et d’oxygénation de l’organe et le post-conditionnement pharmacologique (ciclosporine, halogéné entre autres).
L’exclusion actuelle par la loi en France de la classe III de Maastricht, bien que de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas) fassent surtout appel à cette catégorie, pose donc le problème de sa réalisation en France. Les problèmes éthiques sont importants, et sont présentés en parallèle aux indices pronostiques actuels. Ils alimentent le débat actuel sur le prélèvement après limitation des soins. L’acceptation sociétale semble satisfaisante face à une demande de limitation des soins en réanimation (LATA), encadrée maintenant et formalisée dans la pratique et la collégialité de la décision. Cette réflexion est menée par les différentes sociétés savantes et comités d’éthique. Il est important que ce soit la même équipe qui prenne en charge la limitation et le prélèvement.
Les prélèvements d’organes dans ces nouvelles conditions ainsi que l’élargissement du don du vivant, pourraient permettre de remédier en partie à la pénurie d’organes disponibles, en particulier pour la transplantation rénale.
Chef du service d’anesthésie réanimation, hôpital Louis Pradel et coordination hospitalière des prélèvements HCL, CHU Lyon.
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