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Dossier

Entre avancées scientifiques et questions sociétales

Le regard des médecins sur la bioéthique

Par Coline Garré - Publié le 24/05/2018
Le regard des médecins sur la bioéthique

sondage bioethique
PHANIE

La législation française actuelle en matière de bioéthique est équilibrée, selon la majorité (65 %) des 535 médecins libéraux interrogés par Exafield pour « le Quotidien ». 

Mais les médecins ne sont pas pour autant hostiles à des évolutions qui faciliteraient la recherche ou permettraient le recours à de nouvelles techniques médicales, puisque près d'un tiers (27 %) juge la loi trop restrictive. Ils sont près de la moitié (48 %) à souhaiter élargir les possibilités de recherches sur l'embryon, les spécialistes se montrant plus déterminés (49 %) que les généralistes (45 %). 

Concernant le don d'organes, la majorité des médecins (71 %) estime qu'il faut élargir le cercle des donneurs vivants au-delà des proches du bénéficiaire. Ce qui est en théorie possible depuis la révision du 7 juillet 2011 dans le cadre du don croisé entre deux couples de receveur et donneur. Mais cette possibilité n'est guère utilisée (seulement 4 greffes de rein en 2014 et 2016, 2 en 2015). Sollicitées par le CCNE, la société francophone de transplantation, la société francophone de néphrologie dialyse et transplantation et l'association de patients Renaloo plaident pour la valorisation du donneur vivant et le développement des programmes d'échanges croisés, en autorisant les cascades, en introduisant un donneur décédé, voire en se tournant vers l'international, comme le suggère l'Agence de la biomédecine. 

Réticences sur l'ouverture de l'AMP, refus de la GPA 

En revanche, les médecins se montrent plus réticents que l'ensemble de la société sur les questions sociétales autour de la vie et de la mort.

À la question : faut-il ouvrir l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes, le « non »  (45 %) l'emporte d'un point sur le « oui » (44 %), alors que 60 % des Français y consentent, selon le sondage IFOP pour « La Croix » et « le forum européen de bioéthique », publié le 3 janvier 2018. La position des libéraux diffère de celle plus ouverte des acteurs de la procréation (voir ci-dessous). 

Pour les femmes seules, seulement 41 % des médecins voient d'un bon œil la possibilité de leur recours à l'AMP, 48 % s'y opposent. Selon l'IFOP/La Croix, 57 % des Français l'acceptent. 

Les médecins libéraux sont aussi majoritairement (à 60 %) opposés à l'autorisation de la gestation pour autrui (GPA) et semblent concevoir difficilement une GPA éthique, sans échange financier. Parmi les 29 % de médecins favorables à la GPA, la moitié considère que la mère porteuse doit être rémunérée (surtout les spécialistes, 55 %, contre 34 % des généralistes). Pour rappel, 64 % des Français approuvent la levée de l'interdiction de la GPA. 

Petite exception, l'autoconservation ovocytaire pour toutes les femmes, notamment en prévention de l'infertilité, trouve grâce aux yeux de notre panel, puisque 52 % des libéraux, et jusqu'à 58 % des généralistes l'approuvent. Ils rejoignent en cela l'avis très favorable des spécialistes de la reproduction.

Sans surprise, les médecins plaident à la quasi-unanimité (83 %) pour une limite d'âge pour l'accès à l'AMP et se montrent très attachés aux principes d'anonymat et de gratuité des dons de gamètes : 62 à 63 % des libéraux refusent de revenir dessus, comme 85 % à 90 % des Français. 

Prudence sur la fin de vie 

Enfin sur la fin de vie, l'on retrouve la même réserve des médecins à l'égard de toute modification de la loi. Si 89 % des Français souhaitent la légalisation de l'euthanasie et/ou du suicide assisté, la proportion tombe à 62 % chez les libéraux. À la différence du reste de la société, très en faveur de l'euthanasie (parce que plus médiatisée ?), les médecins partisans d'une évolution préfèrent l'autorisation simultanée de l'euthanasie et du suicide assisté. 

Cette prudence des médecins est en phase avec les contributions soumises au CCNE par la Société française de néonatologie, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), la Société française d'Anesthésie réanimation (SFAR), le Comité d'éthique de l'Académie de médecine, ou encore l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) qui demandent l'évaluation de la loi Leonetti-Claeys avant toute évolution, le renforcement des soins palliatifs sur tout le territoire, une plus large information des Français sur les directives anticipées et la personne de confiance et une meilleure formation des soignants.

 

* Pour ce sondage, les médecins libéraux ont été interrogés sur internet par Exafield du 29 mars au 16 avril 2018. Les résultats sont présentés à partir de 535 réponses de praticiens dont 127 médecins généralistes et 408 autres spécialistes.

« Exafield est partenaire du « Quotidien » pour des sondages réalisés auprès des médecins. Il s’agit d’une société française crée il y a maintenant 15 ans, dont le siège social est basé à Pernes Les Fontaines (Vaucluse), et qui a développé des filiales en Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne et Brésil. Exafield travaille exclusivement dans le domaine de la santé. Les professionnels de santé sollicités sont, le plus souvent, dédommagés à hauteur du temps passé lorsqu’ils répondent à ses enquêtes ou études. Si vous souhaitez rejoindre le panel Exafield, rendez-vous sur son site : www.exafield.com. »

Coline Garré